Pandémonium

Magistralement analysé par Irène Pennacchioni Léothaud, le « pandémonium médiatique » nous enserre dans un réseau sans cesse plus grisant et affolant. Quel chemin, d’Hésiode à Google ! Et quelle continuité ! (1). Vu sous un certain angle, nous sommes la mouche prise dans la toile que l’araignée va prestement enrouler de son fil gluant. Mais sous un autre angle, nous sommes aussi la tisserande tissant la toile de son propre cocon. Nous créons notre simulacre, notre théâtre bien à nous de chimères donnant sens à la cacophonie des signes. Chacun de nous pense accéder à la réalité, au moins à une part du réel, à une bonne part, bien solide, sur laquelle s’appuyer. Ce n’est qu’une croyance, faite pour nous rassurer. Le réel auquel nous imaginons accéder est celui qu’on nous tisse et que nous tissons. À ceux qui souhaitent débrouiller un peu les fils, Books propose modestement une méthode, ou une ébauche de méthode. Dans le brouillard ou la tempête, le navigateur, qui pense peut-être connaître son chemin, aperçoit à l’horizon, de ci de là, de pâles bouées lumineuses : ce sont des livres. La plupart de ces bouées n’indiquent rien et ne mènent nulle part. Certaines sont des leurres, attirant le marin désormais internaute vers un brouillard plus opaque encore, voire le tourbillon qui engloutira le navire. Mais d’autres ouvrent l’esprit, déchirent au moins un peu le voile des apparences, écartent les ombres de la caverne. Laissons le registre de la métaphore (metaphora : transport). En exergue de cette nouvelle formule de Books, que je vous laisse découvrir, il y a ces mots : « Les idées changent le monde ». Tout un programme, mais aussi un simple constat. Le papier, la machine à vapeur, les antibiotiques et Internet sont le produit d’idées. De même la démocratie athénienne, la dictature stalinienne, le capitalisme libéral, le IIIe Reich, l’écologisme eschatologique ou Daech. C’est bien ce constat qui légitime la démarche de Books. Car depuis Gilgamesh ou la Bible, c’est-à-dire tout de même assez longtemps, les idées qui comptent sont fixées par l’homme dans des livres. Explorer leur univers, aujourd’hui encore, aide à identifier les idées qui comptent. Celle du pandémonium, par exemple.  

Notes

1. Dans les yeux du spectateur. De l’antique mimésis au pandémonium médiatique, Cent Mille Milliards, 2015.

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