Allons enfants de Marx !
Le Manifeste du parti communiste n’est pas un conte. On y lit : « Pour les pays les plus avancés, les mesures suivantes pourront assez généralement être mises en application : 1. Expropriation de la propriété foncière […]. 3. Abolition du droit d’héritage […]. 5. Centralisation du crédit entre les mains de l’État, par une banque nationale dont le capital appartiendra à l’État et qui jouira d’un monopole exclusif. 6. Centralisation entre les mains de l’État de tous les moyens de transport […]. 8. Travail obligatoire pour tous ; organisation d’armées industrielles, particulièrement pour l’agriculture. »
La première phrase du Manifeste exprimait une idée simplissime : « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de luttes de classes ». La fortune du marxisme illustre une idée plus complexe : le rôle des idées et de leur transformation dans la marche de l’histoire.
N’est-il pas surprenant qu’aujourd’hui en Asie orientale – bien loin de la ville de Cologne, où Marx fourbit ses premières armes, et plus d’un siècle et demi après – , le pays le plus peuplé du monde et d’autres qui le sont moins, comptant au total plus de 1,5 milliard d’habitants, se réclament de son enseignement ? Dans une Chine devenue très capitaliste, où la propriété foncière est quasiment une religion d’État, les étudiants doivent subir des cours de « marxisme-léninisme pensée Mao Zedong ». Le comité central du Parti « communiste », qui compte 88 millions de membres, a tenu à réexpliquer aux universités, en 2015, qu’elles devaient faire de l’enseignement du marxisme une priorité.
Dans notre confortable Occident aux prises avec des maladies de riches, des inquiets – parfois démagogues –, en mal d’idées nouvelles, se réfèrent à nouveau aux idées de Marx. On croyait pourtant que des tombereaux d’absurdités et des dizaines de millions de morts les avaient discréditées. Mais, pour être exact, ils croient s’y référer ; ou affectent de le faire. Les vraies idées de Marx, celles qui sont exprimées de manière claire et distincte, sont sereinement méconnues. Elles survivent à l’état de symboles, de lambeaux, d’étendards. Pour servir aussi bien des aspirations légitimes que les intérêts de pouvoirs coercitifs.