Publié dans le magazine Books n° 4, avril 2009. Par Michael Brett.
Depuis plus de vingt ans, l’Algérie traverse une crise politique majeure, née de l’éruption de colère d’une population dépossédée de tout par ses dirigeants. Les émeutes populaires de 1988, la montée de l’islamisme et treize années de violence effroyable ont en effet révélé la nature du régime issu de la guerre d’indépendance : un État accaparé par une élite militaire, incapable de tenir les promesses de 1962. Aujourd’hui, à la veille d’une élection présidentielle jouée d’avance, le mécontentement est intact, mais l’argent du pétrole et le soutien de l’Occident ont permis au système de survivre. L’impasse est totale. L’aliénation coloniale et postcoloniale explique-t-elle tout ? Ou faut-il rechercher dans l’occupation ottomane et la relation complexe qu’elle a instaurée entre la société et l’État l’origine de la violence ?
L’Algérie, pourrait-on dire en s’inspirant du titre du dernier chapitre du livre que publient Martin Evans et John Phillips, est un pays qui ne disparaîtra pas ; ou plutôt, voilà un pays qui a fait un retour en force, et est encore là et bien là. Née de la conquête ottomane au XVIe siècle, l’Algérie a fait son entrée dans la littérature anglaise au début du XVIIIe siècle avec l’implantation d’une colonie de négociants anglais représentée par un consul à Alger : il en est sorti [en 1738] ce chef-d’œuvre d’érudition que sont les
Voyages dans plusieurs provinces de la Barbarie et du Levant de Thomas Shaw. Un portrait sans animosité, et même flatteur, du pays ; sauf lorsqu’on le compare avec la monarchie constitutionnelle britannique. Après la prise d’Alger par les Français en 1830, ses idées sur la question furent supplantées par celles du régime colonial. En1835,
History and Present Condition of the Barbary States [« Histoire et situation actuelle des États de Barbarie »] de Michael Russell inaugura plus d’un siècle ...