Les Balkans, miroir de nos peurs

Certes, les pays des Balkans se sont abondamment déchirés au cours des siècles, et récemment encore. Est-ce une raison pour continuer à considérer leurs habitants comme des barbares ?


© Musée Nicéphore Nièpce, Ville de Chalon-sur-Saône / adoc

Lors de la première guerre balkanique, à l’automne 1912, des combattants albanais de l’armée ottomane s’apprêtent à livrer bataille aux forces serbes.

Il y a vingt ans, alors que les braises de la guerre en Croatie et en Bosnie étaient ­encore ardentes, l’historienne bulgare Maria Todorova publiait Imaginaire des Balkans. Dans cet ouvrage fondateur, elle détaillait la manière dont les Balkans ont été perçus et décrits pendant des siècles, le plus souvent comme une arrière-cour de l’Europe, aux mœurs brutales et barbares. Maria Todorova a alors forgé le concept de « balkanisme », un hommage à Edward Saïd et son orientalisme – à savoir le discours exotique et hautement stylisé des universitaires, écrivains et artistes occidentaux sur « l’Orient ». Elle a étudié les différentes formes de balkanisme, des chroniques des marchands vénitiens du XVIe siècle aux analyses du New York Times des années 1990. Le dénominateur commun, selon elle, est une forte condescendance à l’égard des Balkans et de leurs habitants. Les Britanniques se sont particulièrement illustrés dans cette condescendance – et pas seulement pour des raisons géopolitiques, Londres ayant été un allié de l’Empire ottoman pendant les guerres d’indépendance balkaniques. À la fin du XIXe siècle, par exemple, George Bernard Shaw avait offusqué ...
LE LIVRE
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Imaginaire des Balkans de Maria Todorova, éditions de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), 2011

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