Turing, von Neumann et la naissance de l’ordinateur

Les commencements font l’objet d’une curiosité insatiable et susciteront toujours un intérêt passionné. Comme celle de la création d’Internet, l’histoire de la naissance de l’ordinateur a donc été racontée à de nombreuses reprises. Dans son ouvrage Turing’s Cathedral, George Dyson fait le récit d’un épisode demeuré jusqu’ici un peu dans l’ombre, qui a pourtant joué dans le processus de développement des ordinateurs un rôle important : la conception et la construction, à l’Institut des Études Avancées de Princeton, juste après la Seconde Guerre mondiale, par une équipe dirigée par le mathématicien d’origine hongroise John von Neumann, non du premier ordinateur (titre pour lequel il existe de nombreux prétendants), mais d’un des premiers à être basés sur l’architecture dite, précisément, « de von Neumann », qui est celle de tous les ordinateurs actuels et dont un des principes est le stockage des données et des instructions des programmes dans une mémoire unique. C’était aussi un des premiers ordinateurs dans l’authentique sens du mot, c’est-à-dire davantage qu’un simple calculateur électronique, une des premières machines à réaliser physiquement l’idée théorique d’une « machine universelle » formulée dix ans auparavant par le mathématicien et logicien britannique Alan Turing.

Le livre de Dyson n’a pas pour seul mérite de combler une lacune dans notre connaissance des premières étapes de l’histoire de l’informatique. Il met aussi particulièrement bien en lumière trois aspects importants de cette histoire : la façon dont les développements techniques qui ont conduit à la société de l’information et de la communication d’aujourd’hui s’appuient sur des travaux de logique mathématique extrêmement abstraits ; la force motrice déterminante qu’ont représentée dans l’essor de l’ordinateur les besoins militaires, plus particulièrement ceux liés à la cryptographie et à la conception de la bombe atomique et de la bombe à hydrogène ; enfin, le rôle décisif joué dans cette affaire par quelques personnalités d’exception, Turing et von Neumann, bien entendu, mais aussi d’autres savants et ingénieurs d’extraordinaire talent.

Du temps et un long détour

George Dyson avait d’excellentes raisons personnelles de s’intéresser à cet épisode. Frère d’Esther Dyson, célèbre commentatrice de la technologie, notamment des technologies de l’information, et chef d’entreprise dans ce domaine, il est surtout le fils de Freeman Dyson, physicien et mathématicien, et de Verena Huber-Dyson, mathématicienne et logicienne, qui se sont tous deux établis à Princeton en 1948, cinq ans avant sa naissance et deux ans après le lancement des travaux sur l’ordinateur de l’Institut. Sans avoir eu l’occasion d’interagir avec les principaux protagonistes de cette histoire (il était trop jeune), Dyson a néanmoins grandi parmi eux, dans un environnement marqué par leur forte présence et au milieu des traces matérielles du projet à la réalisation duquel ils étaient attelés (il jouait dans la grange où étaient stockés les surplus électroniques militaires utilisés pour la construction de l’ordinateur). Il lui a toutefois fallu un peu de temps et un long détour pour s’intéresser de près à cette entreprise. D’origine britannique, son père Freeman Dyson fait partie de ces touche-à-tout singulièrement doués dont on dit que s’ils n’ont pas eu le prix Nobel c’est parce qu’ils ont dispersé leurs talents entre trop de domaines et de sujets différents (si le règlement du prix Nobel ne limitait pas le nombre de lauréats à trois dans chaque discipline, il l’aurait sans doute tout de même obtenu, parce que c’est lui qui a démontré l’équivalence des formalismes proposés pour l’électrodynamique quantique par, d’un côté Richard Feynman, de l’autre Julian Schwinger et Sin-Itiro Tomonaga, qui, eux, ont été récompensés). Célèbre pour ses talents de vulgarisateur et sa dilection pour des sujets exotiques, par exemple la propulsion spatiale par l’énergie nucléaire, la fin de l’univers ou la vie et l’intelligence extra-terrestres, Freeman Dyson possède une puissante personnalité qui a profondément marqué son fils.

Dans un premier temps, celui-ci a toutefois décidé de mettre autant de distance que possible entre lui et l’univers savant dans lequel il avait été élevé. Durant vingt ans, il a vécu en Colombie britannique, travaillant à la conception et la fabrication de nouveaux types de kayaks et vivant au milieu de la nature. La contemplation de celle-ci, affirme-t-il, l’a ramené vers l’univers numérique, qu’il trouve comparable en bien des points à celui du vivant. Dans Darwin among the machines, son premier ouvrage d’histoire des sciences, George Dyson, sous couvert d’une histoire intellectuelle de l’informatique, présentait et défendait ainsi la thèse qu’une sorte d’intelligence organique collective est en train d’émerger de l’interaction à grande échelle de l’intelligence humaine et des systèmes informatiques distribués. Sans que le projet de Princeton y fût examiné en détail, beaucoup des thèmes et des personnages évoqués dans Turing’s Cathedral étaient déjà présents dans ce livre de 1997. Après avoir ensuite raconté, dans Project Orion, l’histoire du projet de véhicule spatial propulsé à l’aide de bombes nucléaires auquel son père a longtemps travaillé (projet abandonné en conséquence de l’adoption du traité partiel d’interdiction des essais nucléaires de 1963), Dyson, avec ce troisième livre, est revenu à l’histoire des ordinateurs.

Une abondante et passionnante correspondance

Visiteur scientifique à Princeton durant trois ans, grâce, notamment, au soutien de Marina von Neumann, économiste et fille unique du mathématicien, Dyson a eu la possibilité d’explorer en profondeur les archives de l’Institut. Il a notamment eu l’occasion d’exploiter l’abondante et passionnante correspondance échangée durant vingt ans par John von Neumann et sa (seconde) femme Klara, qui étaient souvent géographiquement éloignés l’un de l’autre par leurs obligations professionnelles respectives. Klara von Neumann, forte personnalité dont, dans un entretien, Dyson dit justement qu’elle mériterait qu’on lui consacre un livre entier, était une femme remarquablement intelligente (c’est elle qui a écrit les codes de la nouvelle machine), dotée de surcroît de grandes qualités d’observation et de réels dons d’expression littéraire : les nombreux extraits de textes d’elle que cite Dyson sont étonnants de pénétration et de clairvoyance. Quant à von Neumann, c’était un épistolier notoirement prolifique, noircissant frénétiquement entre deux réunions le premier morceau de papier venu qui lui tombait sous la main lorsque l’inspiration le visitait (c’est-à-dire à peu près en permanence), et capable de livrer en post-scriptum (procédé qu’il affectionnait) tout un train d’idées nouvelles, impeccablement formulées.

Les ordinateurs actuels, tablettes tactiles ou supercalculateurs d’une puissance de calcul de 16 pétaflops (16 millions de milliards d’opérations à virgule flottante par seconde – c’est le record mondial actuel) ont de nombreux ancêtres. Leur préhistoire va de l’abaque des anciens à la « machine à différences » de Charles Babbage en passant par la machine à calculer de Blaise Pascal, le métier à tisser à cartes perforées de Jacquard et les automates de Vaucanson. Leur histoire plus récente passe par les premières machines, non plus mécaniques, mais électromécaniques, puis les machines électroniques, équipées dans un premier temps de tubes à vide, ensuite de transistors, enfin de circuits intégrés et de microprocesseurs. Dans la marche vers les systèmes ultraperformants d’aujourd’hui, à côté des progrès réalisés en ingénierie, des développements théoriques ont également joué un rôle déterminant : l’invention de l’algèbre de Boole, qui a rendu possible le calcul numérique binaire (en base deux), et la solution apportée à une question liée au plus fameux théorème logico-mathématique du XXème siècle, le double théorème de Gödel.

Celui-ci s’inscrit dans le cadre des réflexions menées au début du XXème siècle au sujet des fondements des mathématiques. Soucieux d’asseoir cette discipline sur des bases inébranlables, le mathématicien allemand David Hilbert, dans le prolongement des efforts menés par Giuseppe Peano et Bertrand Russel pour formaliser les mathématiques et les réduire à la logique, entendait établir qu’il était possible de faire surgir l’édifice mathématique entier des quelques axiomes fondamentaux de l’arithmétique, en montrant que ceux-ci forment un système consistant (cohérent), c’est-à-dire exempt de contradictions. En 1931, dans deux théorèmes fameux qui constituent une version très sophistiquée du « paradoxe du menteur » d’Épiménide (un homme déclare qu’il ment : dit-il la vérité ?), Gödel ruina cet espoir en démontrant : premièrement que tout système consistant d’axiomes assez puissant pour qu’on puisse y formaliser l’arithmétique contient nécessairement au moins une proposition « indécidable », c’est-à-dire dont on ne peut démontrer, ni qu’elle est vraie, ni qu’elle est fausse ; deuxièmement que, sous le même genre d’hypothèses, la proposition établissant la cohérence de l’arithmétique ne peut pas être démontrée à l’intérieur de l’arithmétique elle-même. Le deuxième théorème est un corollaire du premier, est c’est lui qui mit irrévocablement fin aux ambitions du programme de Hilbert. (Est-ce la peine de préciser que l’impossibilité de fonder logiquement les mathématiques n’a pas empêché le moins du monde le savoir mathématique de continuer à progresser depuis lors, et même spectaculairement ?)

Un des mathématiciens qui ont immédiatement compris l’importance de la démonstration de Gödel est précisément von Neumann. Lorsque le premier théorème a été rendu public, il a même tout de suite vu qu’une de ses conséquences était ce que nous connaissons aujourd’hui comme le second. Il s’est empressé de porter cette découverte à l’attention de Gödel, qui l’a poliment remercié, en lui signalant toutefois qu’il était déjà arrivé lui-même à cette conclusion (« On peut imaginer le sourire grimaçant de Gödel lorsqu’il a communiqué cette information à ce titan intellectuel qu’était von Neumann » fait malicieusement remarquer Rebecca Goldstein dans son beau livre sur le logicien).

Le problème de la décision

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En liaison avec les deux questions de la cohérence des mathématiques et de leur caractère complet ou non (un système est dit « complet » lorsque tout énoncé valide y est démontrable), David Hilbert en avait soulevé une troisième, celle de la « décidabilité » des propositions mathématiques, c’est-à-dire de la possibilité de démontrer a priori si une proposition donnée est prouvable. Quelques années plus tard, alors qu’il travaillait sur ce problème connu sous le nom de Entscheidungproblem (problème de la décision), le mathématicien Alan Turing, qui avait fait la connaissance de von Neumann en Angleterre et allait bientôt rejoindre ce dernier à Princeton, où le mathématicien hongrois était installé depuis 1933, fut amené à imaginer, pour le résoudre, un dispositif qui avait pour caractéristique de constituer un équivalent mécanique (mais théorique) du dispositif logique de Gödel, et de traduire la démonstration de ce dernier en termes mathématiques.

Il s’agissait d’une version particulièrement élaborée (que nous appelons aujourd’hui « machine universelle de Turing »), d’une machine imaginaire (dite « machine de Turing ») constituée d’un ruban de longueur infinie dans les deux sens, divisé en cases contenant des symboles pouvant prendre deux valeurs (0 et 1), ainsi que d’une tête de lecture/écriture pouvant lire le symbole en face d’elle, le modifier et se déplacer le long du ruban. En fonction des instructions qui lui sont données, la machine peut procéder au calcul qu’on lui soumet sur la base des données figurant sur le ruban. Quand il est terminé, elle s’arrête. La « machine universelle de Turing », qui est un modèle parfait d’automate programmable, a pour caractéristique que ses instructions ne lui sont pas apportées de l’extérieur mais figurent dans les données. Sa caractéristique fondamentale est de pouvoir simuler le fonctionnement de n’importe quelle autre machine, y compris elle-même. Dans ce dernier cas, il est clair qu’elle ne s’arrêterait jamais de fonctionner, réalisant matériellement le type de situation intrinsèquement contradictoire que formalise le théorème de Gödel.

En imaginant ce dispositif, présenté dans un article historique intitulé On Computable Numbers (« À propos des nombres calculables »), Turing, sans l’avoir cherché, venait de définir le modèle théorique de ce que sont aujourd’hui les ordinateurs. « Avant Turing », souligne George Dyson, « on faisait des choses aux nombres. Après lui, les nombres ont commencé à faire des choses. En montrant qu’une machine pouvait être encodée sous la forme d’un nombre, et un nombre décodé comme une machine, On Computable Numbers a fait en sorte que les nombres […] sont devenus “calculables” d’une manière entièrement nouvelle ».

Enigma

Le contexte qui a accéléré la traduction de ces considérations très spéculatives en applications concrètes et a conduit à la réalisation des premiers ordinateurs est celui de la Seconde Guerre mondiale. Une première impulsion est venue des besoins du décryptage. Au cours du conflit, l’armée allemande utilisait pour ses communications une version particulièrement puissante d’une machine de cryptage appelée Enigma, initialement conçue à des fins commerciales pour protéger les échanges d’information entre banques. Enigma était une machine électromécanique constituée d’une série de rotors équipés de 26 contacts électriques, une pour chaque lettre de l’alphabet, reliés de telle manière qu’un signal entrant sous la forme d’une lettre dans la machine en sortait sous la forme d’une autre lettre. À chaque frappe, un mouvement d’entraînement faisait tourner les différents rotors, avec pour conséquence que la même lettre n’était jamais codée deux fois successivement de la même façon. Chaque utilisateur d’Enigma disposait de plusieurs jeux de rotors. La configuration de la machine (le choix des rotors, leur position initiale et l’ordre dans lesquels ils étaient placés) était changée régulièrement, jusqu’à plusieurs fois par jour dans certains cas. Les premières versions d’Enigma étaient dotées de trois rotors seulement, ce qui permit à des mathématiciens polonais travaillant pour les services secrets de leur pays de décoder des messages envoyés par ce moyen à l’aide de méthodes dites de « force brute », basées sur la reproduction rapide de toutes les combinaisons possibles.

Mais l’armée allemande mit en service des versions plus sophistiquées d’Enigma. Celle qu’utilisait la marine de guerre pour communiquer avec les fameux sous-marins U-Boats, qui constituaient une terrible menace pour les navires alliés dans les eaux de la Manche et de l’Atlantique, comportait quatre rotors et avait été rendue plus performante encore par une série de raffinements de fonctionnement. Pour casser les codes ainsi produits, qui impliquaient un nombre astronomique de combinaisons possibles, les services secrets anglais ont fait construire au centre de recherche de Bletchley Park ce qui est souvent présenté comme un des premiers ordinateurs, la machine Colossus. Parmi les plus brillants esprits rassemblés à Bletchley Park (dont l’histoire a récemment été racontée par Sinclair McKay) figurait précisément Alan Turing, dont la contribution au décryptage des codes d’Enigma fut significative. Colossus était une machine entièrement électronique, une « machine de Turing » physique (mais pas une « machine universelle »), d’une taille impressionnante – elle occupait une pièce entière et pesait une tonne. À la fin de la guerre, dix machines Colossus étaient en fonction. Grâce à elles, les alliés purent décrypter les messages codés à l’aide d’Enigma. Cryptographes et ingénieurs anglais et américains travaillaient de concert. Entre novembre 1942 et mars 1943, Turing était aux États-Unis, et de février à juillet 1943, von Neumann séjourna en Angleterre. Mais tous deux étaient en mission secrète, on ne sait rien de leurs activités exactes et on ignore s’ils ont eu des contacts durant cette période. C’est peu probable.

L’architecture de von Neumann

À peu près au même moment, de l’autre côté de l’Atlantique, l’armée américaine faisait construire pour ses besoins en matière balistique (le calcul des tables de tir) la deuxième des machines mentionnées au titre d’ancêtre direct des ordinateurs contemporains. Conçu par le physicien John Mauchly et l’ingénieur John Eckert, et réalisé à l’Université de Pennsylvanie, ENIAC (Electronic Numerical Integrator And Computer) était un monstre de plusieurs tonnes comprenant quelque 17 000 tubes à vide et consommant 150 kilowatts de puissance. Comme sur Colossus, pour programmer un calcul, il fallait configurer physiquement la machine en conséquence, en procédant chaque fois au câblage nécessaire, travail long et fastidieux. Suite à la rencontre, en 1943 (sur le quai de la gare d’Aberdeen, dans le Maryland, où ENIAC avait été transféré), d’Herman Goldstine, un mathématicien qui assurait la liaison avec le département de la Défense, et de John von Neuman, ce dernier, qui était à ce moment impliqué dans les travaux de conception de la bombe atomique menés au centre de Los Alamos sous la direction de Robert Oppenheimer (il était responsable des calculs de modélisation de l’explosion) se joignit au projet.

Des améliorations furent apportées à ENIAC, mais rapidement, von Neumann, Mauchly et Eckert décidèrent de construire une autre machine, basée sur un concept différent et appelée EDVAC (Electronic Discrete Variable Automatic Computer). Dans un document rapidement devenu célèbre, intitulé First Draft of a Report on the EDVAC, von Neumann, qui signait seul cette note, introduisit l’idée de ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom d’« architecture de von Neumann ». Son principe est l’organisation de l’ordinateur en trois éléments distincts : une unité de commande, qui orchestre la séquence des instructions, une unité arithmétique, qui exécute celles-ci, et une unité de mémoire, qui contient à la fois les données et les instructions de programme. La conséquence de ceci est qu’un programme peut être traité comme une donnée par un autre programme, possibilité qui réalise la caractéristique définissant la machine universelle de Turing. Estimant qu’ils avaient été dépouillés du crédit qui leur revenait, et en conflit avec Goldstine au sujet de questions de propriété intellectuelle, Mauchly et Eckert abandonnèrent le projet et EDVAC ne devint opérationnel qu’en 1951. Entretemps, deux machines conçues sur la base de l’architecture de von Neumann avaient été fabriquées, mais en Grande-Bretagne : Mark 1 à Manchester, réalisé sous la direction de Maxwell Newman, ancien mentor d’Alan Turing et l’homme à l’origine des machines Colossus, et EDSAC à Cambridge. Dyson dit un mot du prototype de la première de ces deux machines, la Small-Scale Experimental Machine (SSEM), qu’on doit considérer comme le premier ordinateur à architecture de von Neumann au monde, et mentionne en passant la seconde. Parallèlement, von Neumann décidait de réaliser sur la base de son modèle sa propre machine, à l’Institut de Princeton. Tel qu’il est présenté dans deux éloquentes lettres envoyées à quatre jour d’intervalle par von Neumann à Lewis Strauss, officier de marine de réserve, membre du conseil d’administration de l’Institut et futur Commissaire à l’énergie atomique, l’ordinateur de Princeton était censé contribuer au progrès des connaissances dans une série de domaines d’intérêt direct pour la marine américaine : aérodynamique, hydrodynamique, électrodynamique, météorologie, cryptographie, etc. L’élan décisif vint cependant du projet de mise au point de la bombe à hydrogène.

La « Super »

Dans l’atmosphère des premières années de la guerre froide, une partie des scientifiques qui avaient œuvré au développement de la bombe atomique à Los Alamos, hostiles au communisme soviétique, plaidaient en faveur du développement d’une arme de destruction massive bien plus puissante encore, qui exploiterait l’énergie de fusion nucléaire. À leur tête figurait un compatriote de von Neumann, Edward Teller, un des hommes qui, comme on sait, avec von Neumann lui-même, Werner von Braun et l’analyste militaire Herman Kahn, a servi de modèle au Docteur Folamour de Stanley Kubrick dans le film du même nom. (Les conditions dans lesquelles a été inventé ce personnage composite sont expliquées par P.D. Smith dans Doomsday Men). La conception de cette bombe surnommée la « Super » nécessitait de longs calculs complexes que von Neumann, qui comptait au nombre de ses partisans, entendait bien confier à l’ordinateur de Princeton. Ce qui fut fait. Sur la base d’un concept initialement proposé par le mathématicien polonais Stanislaw Ulam et amélioré par Teller, la bombe à hydrogène vit le jour et put être testée avec succès sur un atoll corallien du Pacifique. George Dyson nous raconte comment, en un récit encapsulé dans l’histoire de l’ordinateur de Princeton qui constitue, comme le dit très justement John Gribbin dans sa recension de Turing’s Cathedral, un compte rendu particulièrement clair et synthétique de cet épisode, raconté en détail par Richard Rhodes dans son gros livre de 700 pages Dark Sun.

La réalisation d’un ordinateur aussi performant à l’aide de matériel et de technologies électroniques qui restaient rudimentaires posait d’énormes problèmes d’ingénierie. Pour les résoudre, von Neumann, sur les conseils du père de la cybernétique Norbert Wiener, avait fait appel à un ingénieur de génie, Julian Bigelow. Dans une trentaine de pages passionnantes au cœur de Turing’s Cathedral, Dyson décrit les multiples obstacles que les concepteurs de la machine durent surmonter et l’ingéniosité qu’ils déployèrent pour y parvenir, sans jamais rien inventer de nouveau, pour gagner du temps, et en exploitant imaginativement le matériel disponible et les composants existants. Ces pages sont un hommage mérité à Julian Bigelow, dont von Neuman, un an avant la mise en service de l’ordinateur, disait que celui-ci « [avec] ses caractéristiques exceptionnelles, dans sa réalité physique [était] l’accomplissement de Bigelow bien plus que de n’importe qui d’autre ».

Dans Darwin among the machines, se conformant à l’usage général, Dyson se référait à l’ordinateur de Princeton sous le nom de « IAS Machine ». Tout au long de Turing’s Cathedral, il l’appelle MANIAC (Mathematical and Numeric Integrator and Calculator), ce qui peut donner lieu à confusion. MANIAC, qui était le nom initialement (et ironiquement) donné à ENIAC, est en effet aussi celui d’une troisième machine, également basée sur l’architecture de von Neumann, construite au même moment à Los Alamos.

« Il comptait tout sauf les calories »

Les découvertes et les inventions ne se produisent pas par hasard à un certain moment, et les innovations reposent toujours sur des idées « qui sont dans l’air » et n’attendent que le moment d’être concrétisées. Compte tenu de l’état des connaissances, des techniques et des besoins dans les années trente et quarante, la réalisation d’une machine comme l’ordinateur était quasiment inévitable. Ceci ne signifie pas que la personnalité et les dons intellectuels des protagonistes de cette histoire n’ont joué aucun rôle dans le succès de l’entreprise. La principale figure émergeant de Turing’s Cathedral est celle de John von Neumann. Beaucoup de scientifiques du XXe siècle ont été décrits un peu facilement comme des génies. Si quelqu’un mérite d’être qualifié de la sorte, c’est incontestablement von Neumann. Né, comme plusieurs autres scientifiques de talent qui ont émigré aux États-Unis pour fuir le nazisme, dans une famille juive de Hongrie, von Neumann a été un enfant prodige et est devenu un des mathématiciens les plus doués et imaginatifs de tous les temps. Son talent particulier consistait à s’emparer des idées ou des intuitions des autres pour les reformuler avec une clarté supérieure et les pousser beaucoup plus loin qu’ils n’auraient pu le faire eux-mêmes. Von Neumann a apporté des contributions importantes à pratiquement tous les domaines des mathématiques (« à l’exception de la théorie des nombres et de la topologie » disait son collègue Eugene Wigner). À côté de réalisations dans des domaine ésotériques comme la théorie ergodique (qui relève de la statistique), la théorie des opérateurs (algèbre) et celle des treillis (théorie des ensembles), ainsi que de ses travaux pionniers en informatique, il est principalement connu pour son axiomatisation de la mécanique quantique, la théorie des jeux et une série de découvertes en économie mathématique qui ont fait dire à l’économiste Paul Samuelson qu’il était le seul mathématicien à avoir fait significativement progresser les connaissances dans ce domaine. L’esprit de von Neumann fonctionnait à toute vitesse et les légendes abondent au sujet de ses prodigieuses capacités mentales et de mémoire. Dans son excellente biographie de l’homme, Norman Macrae a fait justice de certaines exagérations au sujet notamment de sa mémoire « photographique », qui était en réalité sélective et stupéfiante seulement lorsque le sujet l’intéressait (il retenait des pages entière de livres qu’il avait lus mais oubliait aussitôt les visages). Ce qui subsiste une fois le mythe détruit reste toutefois terriblement impressionnant. On attribue à Edward Teller et Hans Bethe l’affirmation que s’il existait une espèce « suprahumaine », von Neumann en aurait été le représentant.

Les anecdotes abondent au sujet de von Neumann, qui était à bien des égards un personnage très pittoresque. Attaché à la qualité de sa mise, au milieu de savants en tenue décontractée il était habillé comme un banquier, et on possède une photo de lui excursionnant dans le Grand Canyon juché sur une mule en costume trois pièces. Extrêmement sociable, il organisait chez lui des parties jusqu’à plusieurs fois par semaine, régalant son auditoire d’histoires juives. Il conduisait très vite, mais très mal (parce qu’il était absorbé dans ses calculs) et a détruit dans des accidents plusieurs des Cadillacs qu’il affectionnait (à quelqu’un qui lui demandait pour quelle raison il achetait systématiquement ces puissantes voitures, il répondit : « Parce que si je demandais un char d’assaut, on ne me le vendrait pas »). Von Neumann n’avait rien d’un ascète et adorait la cuisine grasse et sucrée de l’Europe centrale. « Il compte tout, sauf les calories » disait sa femme Klara. Il était aussi, disait-elle « aussi maladroit de ses mains qu’adroit avec son esprit ». Dans l’ensemble, sa personnalité a toujours conservé pour ceux qui le connaissaient quelque chose de déconcertant et d’impénétrable. Même Klara, relève Dyson, qui était plus proche de lui que n’importe qui, avouait n’avoir jamais complètement compris cet homme « étrange, contradictoire et controversé ; enfantin et de bonne humeur, sophistiqué et sauvage, brillamment intelligent mais doté d’une capacité très limitée et d’un manque d’habileté presque primitif à contrôler ses émotions ». Au plan scientifique, dit-elle, il n’était pas moins insaisissable : « Les mathématiciens affirment qu’il est devenu un physicien théoricien ; les physiciens théoriciens le regardent [comme un expert] en mathématiques appliquées et [...] dans certains milieux gouvernementaux, il est possible qu’on le considère comme un physicien expérimentaliste, voire comme un ingénieur. »

John von Neumann est mort à l’âge de 53 ans d’un cancer qu’il a peut-être contracté en assistant de près au test de la bombe H sur l’atoll de Bikini. Sa fin a été très triste. Du fait de métastases au cerveau, les derniers jours, il perdit la stupéfiante vivacité mentale qui le caractérisait et dont il était fier. Or l’exercice de son intellect était ce dont il tirait le plus de plaisir dans l’existence. « Cela brisait le cœur de voir sa frustration » a dit Eugene Wigner, et Edward Teller n’hésita pas à affirmer un peu emphatiquement : « Lorsque son esprit n’a plus voulu fonctionner, von Neumann a souffert davantage que je n’ai jamais vu personne souffrir. » Peu avant de mourir, cet agnostique déclaré s’est converti au catholicisme, sans doute parce qu’il ne pouvait pas envisager un monde où il ne serait plus là pour penser et s’était mis à rêver à une forme de survie.

L’autre figure qui domine le livre de George Dyson est bien sûr celle d’Alan Turing. Elle le fait toutefois essentiellement à la manière d’une grande ombre, Turing étant beaucoup moins présent dans l’ouvrage que ne le donne à penser son titre (l’idée sous-tendant celui-ci, qui est venue à l’esprit de Dyson alors qu’il visitait les installations de la société Google, est que la société de l’information dans laquelle nous vivons est un peu comme une cathédrale collectivement bâtie sur le fondement des intuitions de Turing). En dehors de leur passion commune pour les ordinateurs, fait remarquer Dyson, on ne peut pas imaginer deux personnes plus différentes que von Neumann et Turing : « [Von Neumann] s’exprimait de façon fluide avec une grande précision ; Turing avait une élocution hésitante comme si les mots n’arrivaient pas à suivre ses pensées. Turing descendait dans des hôtels [ordinaires] et était un coureur de marathon obsessionnel ; von Neuman était résolument non-athlétique et dormait dans des hôtels de première catégorie. Von Neumann regardait les femmes, Turing s’intéressait aux hommes. » Comme le résume Jim Holt dans son excellent compte rendu de Turing’s Cathedral, en dépit de leur proximité intellectuelle, les deux hommes étaient, en matière de caractère et d’apparence, à l’opposé l’un de l’autre : « le plus âgé [von Neumann] un sybarite corpulent, bien habillé, prisant la vie sociale et qui aimait le pouvoir et l’influence ; le plus jeune [Turing] un ascète (homosexuel) timide, de tenue négligée, rêveur et féru de puzzles intellectuels, de problèmes mécaniques et de course à pied ».

Une machine peut-elle penser ?

Moins divers que celui de von Neumann, le génie de Turing était tout aussi incontestable. À côté de son concept de « machine universelle » et de ses contributions à la cryptographie, Turing a notamment jeté les bases de l’intelligence artificielle (qu’il appelait « intelligence mécanique »), dans un article fameux publié en 1950 dans la revue Mind qui s’ouvrait sur la question « Can a machine think ? » (« Une machine peut-elle penser ? »). Pour y répondre, il proposait une procédure connue aujourd’hui comme le « test de Turing » : un observateur à qui on soumet les réponses faites par un être humain et un ordinateur à une série de questions peut-il identifier celles qui sont fournies par la machine ? Combien de temps celle-ci peut-elle faire illusion ?

La vie de Turing a été racontée en détail par Andrew Hodges dans ce qui est unanimement considéré comme une des meilleures biographies de scientifique jamais écrites. Son existence a été difficile, et il a eu une fin tragique. Homosexuel à une époque où l’homosexualité était encore un crime en Grande-Bretagne, accusé d’outrage aux mœurs, contraint de choisir entre une peine d’emprisonnement d’un an et la castration chimique, il opta pour cette dernière, parce qu’il ne pouvait ni ne voulait abandonner ses recherches. Déprimé par les effets, sur son corps, des injections d’œstrogènes auxquelles il était soumis, surveillé par la police dans le climat psychologique de paranoïa qui était celui de la guerre froide, il se suicida en croquant une pomme trempée dans du cyanure. Cette mort spectaculaire à l’âge de 42 ans, présentée par certains comme un accident, n’a pas manqué de frapper les imaginations et a conféré à Turing une aura de martyr. La façon étrange dont il s’est administré la mort lui aurait été inspirée, dit-on, par le film Blanche Neige et les sept nains, qu’il aimait beaucoup et a vu à plusieurs reprises. Comme le dit en une belle formule le romancier américain David Leavitt dans une biographie bien écrite et correcte au plan scientifique, mais qui n’ajoute pas grand-chose à celle d’Andrew Hodges, Turing avait décidé « d’investir son départ d’un monde qui l’avait traité misérablement d’un peu de l’éclat gothique, angoissant et coloré d’un film de Disney ». En écho aux idées que Turing, bien qu’athée, nourrissait apparemment au sujet de la survie personnelle, Leavitt ajoute que, dans le conte de fées, la pomme empoisonnée ne tue pas Blanche Neige mais la plonge dans un profond sommeil, d’où la tirera le baiser du prince.

À côté de ces deux héros majeurs de l’histoire, de nombreux personnages peuplent ou traversent les pages de Turing’s Cathedral, figures fameuses ou moins connues que Dyson a tirées de l’oubli : outre Eugene Wigner, Norbert Wiener, Edward Teller, Julian Bigelow, Klara von Neumann, Stanislaw Ulam et sa femme Françoise, on entrevoit notamment Richard Feynman, Albert Einstein et le mathématicien Oswald Veblen (neveu de l’économiste Thorstein Veblen), qui furent les deux premiers savants de Princeton, ainsi que Robert Oppenheimer, directeur de l’Institut des Études Avancées à l’époque où MANIAC a été mis en service. Abraham Pais dans son livre sur Oppenheimer, et Kai Bird et Martin Sherwin dans leur biographie du physicien, citent tous deux de longs extraits de la déposition faite par von Neumann devant la commission des activités anti-américaines du Congrès devant laquelle Oppenheimer dut comparaître en raison de ses sympathies communistes dans le passé. Les deux hommes n’étaient pas d’accord au sujet de la bombe à hydrogène, auquel Oppenheimer était opposé. Dans son intervention, von Neumann manifesta cependant beaucoup de compréhension envers Oppenheimer. À l’époque où on l’accuse d’avoir fait état d’informations classifiées à un informateur communiste, faisait-il valoir, personne ne savait exactement ce qu’il fallait entendre par cette expression. Mais ces propos modérés ne suffirent pas à sauver Oppenheimer, enfoncé par le témoignage accablant de Teller, qui n’hésita pas à le présenter comme un danger pour la sécurité des États-Unis. Oppenheimer fut en conséquence dépouillé de sa « certification de sécurité ». Contrairement à de nombreux physiciens, von Neuman ne répudia pas pour autant Teller, et demeura son ami.

Dans Turing’s Cathedral, Dyson fait aussi une place importante, qu’on pourra trouver disproportionnée, à un curieux personnage nommé Nils Barricelli. Mathématicien d’origine italo-norvégienne arrivé à Princeton en 1953, Barricelli était un chercheur non-conformiste et marginal qu’on considère comme un des pionniers des recherches sur la vie artificielle. Ses travaux, qui annoncent un peu ceux de Steven Wolfram aujourd’hui, portaient sur la modélisation numérique de la duplication d’organismes vivants et la simulation de leur évolution. Barricelli était déjà un des héros de Darwin among the machines, et on sait depuis la parution de ce livre combien est chère à Dyson l’idée d’une parenté profonde des organismes vivants et des entités numériques. Une bonne partie de la fin de Turing’s Cathedral est donc consacrée à des réflexions sur ce thème. Les idées de Dyson sur l’identité du code génétique et des codes numériques ne sont pas ce qu’il y a de plus convaincant dans son livre. On retiendra plutôt de ces pages ce qu’il dit de l’intérêt qu’a manifesté von Neumann à la fin son existence pour la question de la vie artificielle. Moins passionné que Turing par l’intelligence artificielle (dans son ouvrage posthume Le cerveau et l’ordinateur, il tend plutôt à mettre en évidence la manière très différente dont l’un et l’autre traitent l’information), von Neumann était par contre préoccupé par la question de l’auto-reproduction des machines, dont il a traité dans Théorie générale et logique des automates (également posthume).

Le pouvoir croissant des machines

Un autre thème évoqué à la fin de Turing’s Cathedral est celui de l’avenir de l’informatique. Si Turing et von Neuman revenaient parmi nous, ils seraient sans doute très étonnés de constater que les millions d’ordinateurs qui fonctionnent aujourd’hui sont toujours basés sur les principes qu’ils ont formulés il y a respectivement presque 80 et 70 ans. D’un autre côté, ni l’un ni l’autre n’avaient anticipé le développement d’Internet ou celui de l’ordinateur grand public. Von Neumann, dont l’estimation de la puissance des futures machines sous-estimait celle-ci de cinq ordres de grandeur par rapport à ce qu’elle est actuellement, considérait même qu’un petit nombre de superordinateurs très performants utilisés par les seuls scientifiques suffirait à répondre à tous les besoins. Ceci montre à quel point l’avenir de l’informatique reste peu prévisible. Dyson, qui a hérité de son père une espèce de détachement résigné (ou de résignation détachée) face à l’histoire, ne voit pas nécessairement cet avenir en termes très radieux. Convaincu, comme il le dit depuis Darwin among the machines, que l’humanité a donné naissance à une sorte de super-organisme à présent largement autonome, il semble penser qu’elle n’en n’a plus le contrôle. « Nous avons créé un monstre dont l’influence va changer l’histoire, pour peu qu’il y ait encore une histoire » s’est exclamé von Neumann en s’dressant à Klara au cours d’une nuit d’angoisse. Il parlait à l’évidence de la bombe atomique. Dyson est curieusement d’avis qu’il songeait plus largement « au pouvoir croissant des machines ».

De manière générale, toute cette histoire – l’histoire elle-même et la manière dont Dyson la raconte, surtout à la fin, baigne dans une atmosphère un peu triste et nostalgique : l’affaire Oppenheimer et les controverses autour de la bombe H ont donné lieu à des déchirements sanglants et douloureux, ce qui reste d’une incroyable aventure dort dans une cave de Princeton, et beaucoup de ceux qui ont pris part à ce projet sont morts. Turing et von Neuman sont décédés à un moment de leur vie où ils auraient encore pu apporter beaucoup ; Klara s’est suicidée en 1963 à l’âge de 52 ans (on l’a découverte noyée tout habillée sur une plage), et de nombreux autres protagonistes ont disparu.

Reste cependant ce qu’ils ont accompli, et qui méritait incontestablement d’être raconté. L’histoire complète de l’ordinateur reste encore à écrire. Mais il ne manque pas d’aperçus partiels de l’aventure de l’informatique. L’an dernier, avec The Information, James Gleick nous en livrait un très réussi, qui prenait pour fil conducteur l’idée d’information, en mettant en lumière le rôle joué par Claude Shannon, créateur de la théorie de l’information. George Dyson nous en gratifie ici d’un autre, également de grande qualité, en attirant brillamment l’attention sur une partie de cette histoire qui gagnait à être exhumée. Il se trouve que c’est loin d’être la moins captivante, et la découvrir ne la rend que plus fascinante : quand ils sont de cette nature, et impliquent des personnalités de cette trempe, les commencements sont encore plus intéressants une fois qu’on les connaît.

Michel André

LE LIVRE
LE LIVRE

La cathédrale de Turing de George Dyson, Pantheon Books, 2012

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