Une grande dame en Allemagne

Figure légendaire de l’histoire de la presse allemande au XXème siècle, Marion Dönhoff, qui est décédée en 2003 à l’âge de 92 ans, n’était pas très connue en dehors du monde germanophone. On ne s’en étonnera pas : même à l’ère de la communication planétaire, à l’exception des personnalités les plus fameuses du show business et du cinéma américain, la notoriété reste assez souvent nationale ou confinée à une aire culturelle et linguistique particulière. C’est notamment le cas de celle des journalistes, dont les noms et les visages constituent un élément important de l’univers mental de leurs compatriotes, mais sont rarement familiers au-delà des frontières de leur pays.

En Allemagne, par contre, Marion Dönhoff, sans doute la personne publique la plus louée et révérée des cinquante dernières années, était et demeure aujourd’hui encore une véritable institution. Membre de l’équipe fondatrice du prestigieux hebdomadaire Die Zeit, successivement responsable de la rubrique politique, rédactrice en chef, puis directrice de ce très respecté journal de tendance centriste libérale, elle a été un des protagonistes clés de l’histoire de la presse germanique dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Dans le paysage journalistique allemand, Marion Dönhoff occupait une place de premier plan, à côté d’une poignées d’autres fortes personnalités : pour la presse intellectuelle, Rudolf Augstein, fondateur et rédacteur en chef de l’hebdomadaire d’investigation de gauche Der Spiegel et l’historien Joachim Fest, corédacteur en chef du quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung ; pour la presse populaire Henri Nannen, qui a inventé et dirigé le magazine Stern et Axel Springer, créateur du tabloïd Bild ainsi que l’empire éditorial qui porte son nom.

Journaliste extrêmement productive, Marion Dönhoff a écrit au cours de sa très longue carrière des centaines d’articles éditoriaux. Attendus, lus et commentés avec un intérêt qui ne s’est jamais démenti, ils sont à présent souvent cités dans les livres d’histoire et constituent autant de précieux témoignages des principaux épisodes de la vie politique allemande durant la seconde moitié du XXème siècle, sur le cours de laquelle ils ont eu une indéniable influence. Beaucoup d’entre eux ont été réunis en volumes, qui représentent une partie importante de la vingtaine de livres de Marion Dönoff publiés de son vivant ou à titre posthume. Dans leur prolongement, une nouvelle anthologie de quelques-uns de ses meilleurs textes est parue il y a six mois.

La conscience morale de la politique allemande

Intitulé Zeichen ihrer Zeit (« Symbole de son temps »), l’ouvrage rassemble, classés par décennie comme dans les précédentes compilations, une série d’articles sur des sujets de politique intérieure et internationale ainsi que des portraits de personnalités, des récits de voyage et des extraits de lettres et de son journal intime. Plusieurs de ces textes avaient déjà été publiés, mais d’autres sont inédits. Leur lecture aide à prendre la mesure de la sagacité et de la lucidité politique de Marion Dönhoff, de sa solide culture et de son sens historique. Mais elle ne permet de répondre que partiellement à une question qu’on ne peut manquer de se poser à son sujet. Marion Dönhoff était assurément une journaliste de talent exceptionnel. Ainsi que ses admirateurs eux-mêmes le reconnaissent, elle n’était cependant pas un penseur profond ou original. La langue claire, précise, sobre et classique, toujours efficace et fréquemment élégante dans laquelle elle s’exprimait, ne possède par ailleurs pas la qualité littéraire de celle d’écrivains comme George Orwell ou François Mauriac, pour prendre deux exemples fameux, dans leurs textes de réflexion ou de commentaire politique.

Pourtant, aujourd’hui encore, en Allemagne, Marion Dönhoff possède le statut d’une icône et fait l’objet d’un véritable culte. Trois biographies d’elle ont été publiées à ce jour, ainsi que plusieurs livres de témoignages à son sujet ; ses 75ème, 80ème et 90ème anniversaires ont été célébrés avec éclat, et à l’occasion du 100ème anniversaire de sa naissance, une pièce de monnaie a été frappée et un timbre postal imprimé à son effigie ; neuf lycées portent son nom ; un prix est décerné chaque année par la Fondation Dönhoff, et lorsqu’il pénètre dans les locaux du Zeit à Hambourg, le visiteur est accueilli par une grande photo de l’ancienne directrice suspendue au-dessus du comptoir de réception. Durant presque soixante ans, dit-on volontiers, Marion Dönhoff a été la conscience morale de la politique allemande. La formule est pertinente mais ne capture qu’incomplètement les raisons de l’aura qui entoure sa personne. Pour expliquer celle-ci, il faut en réalité invoquer, pour employer en l’adaptant un peu une célèbre formule de Sartre au sujet de Camus, la conjonction d’une histoire, d’une action et d’une personnalité.

L’histoire est celle de ce que l’on a souvent appelé, à la suite de l’intéressée elle-même, les « deux vies » successives de Marion Dönhoff. Comme l’indique son nom complet en allemand, Marion Gräfin Dönhoff était une aristocrate (« Gräfin » signifie « comtesse » – depuis l’abolition de la noblesse à l’issue de la Première Guerre mondiale, les titres nobiliaires, en Allemagne, sont intégrés dans le patronyme). Benjamine d’une famille de sept enfants, elle a vu le jour dans une des grandes familles de la noblesse de Prusse orientale, les « junkers » : avec les Donha et les Lehndorff, avec lesquels ils étaient apparentés, les Dönhoff étaient une des trois familles historiques de la noblesse terrienne de cette région, alors allemande mais qui est à présent partagée entre la Pologne pour la partie sud et la Russie pour la partie nord. Son père, qui avait 64 ans lorsqu’elle est née, avait été diplomate et député au Reichstag ; sa mère, protestante rigoureuse, était dame d’honneur de l’impératrice Augusta-Victoria, la femme de l’empereur Guillaume II. Dans son livre de souvenirs Une enfance en Prusse orientale, son livre le plus connu et apprécié, Marion Dönhoff raconte en termes souvent lyriques et élégiaques ses années d’enfance et de jeunesse dans le château et la vaste propriété de Friedrichstein, près de Königsberg, la ville du philosophe Emmanuel Kant, aujourd’hui Kaliningrad, dans l’enclave russe du même nom.

Au contact de la nature

La vie s’y déroulait « au rythme immuable des saisons » quasiment en autarcie. Lorsqu’à la mort de son père, son frère décida d’ouvrir la propriété à l’économie de marché en cessant de produire tout ce dont elle avait besoin, Marion Dönhoff, tout en reconnaissant qu’il avait raison, ne put s’empêcher de se sentir « consternée » par un tel changement, qui impliquait de dire adieu à une caractéristique qui constituait « un aspect unique » de ce microcosme. « Ce monde me manque », écrira-t-elle des années plus tard, « la campagne, le paysage, les animaux […] et les sons, les milliers de sons, indélébilement imprimés dans ma mémoire - tous les bruits que nous entendions au crépuscule lorsque nous étions assis sur la terrasse de la maison et observions les hirondelles filant autour de nous et la danse en zigzags des chauves-souris. »

Indépendante, peu soucieuse des convenances et de l’étiquette, se comportant en garçon manqué, Marion Dönhoff vivait au contact de la nature, chevauchant souvent à travers ce paysage de lacs, de prairies et de forêts de bouleaux qui est celui de la Prusse orientale. Elle passait aussi du temps dans la société de ses frères et sœurs et de ses cousins Lehndorff, ainsi que du personnel de la propriété, duquel elle affirmait avoir davantage appris que de ses précepteurs. En conformité avec les principes du protestantisme sévère de cette région (détenteurs d’immenses territoires, les junkers cultivaient le sens du travail et condamnaient le luxe et l’oisiveté), tous les membres de la famille, y compris les enfants, étaient en effet tenus de contribuer au fonctionnement de la propriété en accomplissant toutes sortes de tâches sous la supervision technique du personnel.

En contradiction avec la tradition, qui confinait les femmes à la vie domestique, Marion Dönhoff, qui lisait beaucoup et dans l’esprit de qui une conférence du philosophe Hermann Keyserling avait fait germer « une passion durable pour la vie intellectuelle », entreprit des études universitaires. À l’université de Stuttgart, dont beaucoup d’étudiants étaient d’ardents partisans du national-socialisme, elle fréquentait plutôt les jeunes socialistes et communistes (ce qui lui valut le surnom de « comtesse rouge »), non par sympathie pour leurs idées mais parce qu’ils étaient les seuls, répétera-t-elle souvent, à s’opposer ouvertement au mouvement nazi. Une fois celui-ci au pouvoir, elle achèvera ses études à Bâle, en soutenant un doctorat en économie préparé sous la direction d’Edgar Salin, économiste juif de la tradition humaniste, dont elle a laissé en beau portait dans son recueil Politische Portraits.

Un élément central de la légende de Marion Dönhoff est sa participation à la résistance intérieure allemande au nazisme et son implication indirecte dans l’attentat manqué contre Adolf Hitler préparé par un groupe de militaires d’origine aristocratique pour la plupart, dont l’exécutant fut le colonel Claus von Stauffenberg : le 20 juillet 1944, celui-ci déposait au pied de la table de réunion du quartier général d’Hitler établi en Prusse orientale (la Wolfsschanze, la « tanière du loup ») une bombe dont l’explosion ne fit que blesser légèrement le dictateur. Von Stauffenberg fut arrêté et passé par les armes, tous les officiers supérieurs qui avaient mené l’opération furent exécutés ou poussés au suicide, et au total 200 personnes périrent des suites de la conspiration. Parmi celles-ci figuraient des amis et connaissances de Marion Dönhoff, qui leur a postérieurement rendu hommage dans son ouvrage Um der Ehre - Erinnerung an die Freunde vom 20. Juli (« Pour l’honneur - Souvenirs des amis du 20 juillet »).

Ainsi qu’elle l’a toujours reconnu, Marion Dönhoff n’a pas directement pris part à la conception et la perpétration de l’attentat. Au sein du mouvement de résistance, son rôle consistait à préparer la succession du régime nazi en Prusse orientale, plus particulièrement en identifiant les personnes sur qui les opposants pouvaient compter et celles qui représentaient au contraire un danger. Après le 20 juillet, elle fût interrogée mais jamais arrêtée. Dans le livre qu’elle a consacré à ses amis disparus et chaque fois qu’elle a évoqué cet épisode, Marion Dönhoff a présenté l’action des conjurés de façon très idéaliste, s’aveuglant à l’évidence sur leurs motivations. C’est ce que met très bien en lumière Max Egremont dans Forgotten Land, son livre de réflexion sur l’histoire de la Prusse orientale après la Seconde Guerre mondiale, dont la comtesse est un des principaux protagonistes : « Marion Dönhoff relie [les auteurs du complot] à l’univers de valeurs de la vieille Prusse, l’honneur et le devoir, le sacrifice de sa personne pour le bien général. » Mais beaucoup parmi les conspirateurs, souligne-t-il (et à sa suite l’historien Neal Ascherson), étaient en réalité des nationalistes conservateurs qui, choqués par le désordre de la république de Weimar, avaient salué l’arrivée au pouvoir des nazis, en qui ils voyaient l’instrument de la restauration de l’honneur national. Ayant longtemps soutenu leurs idées, y compris l’antisémitisme, ils n’ont cessé d’éprouver de la sympathie à l’égard du régime qu’au terrible spectacle des désastres de la campagne de Russie. Ces sentiments n’étaient pas rares dans la noblesse prussienne. Deux des frères de Marion Dönhoff ont d’ailleurs adhéré au parti nazi, un fait sur lequel elle est toujours restée très discrète.

Un périple de plus de mille kilomètres.

Peu après ces événements, les alliés remportaient la guerre. En janvier 1945, les troupes Russes pénétraient en Prusse orientale. Comme plusieurs centaines de milliers d’habitants de la région, Marion Dönhoff choisit de fuir vers l’ouest. Dans Ces noms que plus personne ne prononce, elle décrit les circonstances de cette fuite, seule sur un cheval, dans un froid glacial, pour un périple de plus de mille kilomètres. N’emportant que quelques vêtements, papiers et photographies, elle laissait derrière elle tout ce qu’elle aimait et à quoi elle était attachée. Friedrichstein fut incendié, et conformément aux accords de Yalta et de Postdam, la Prusse orientale fut divisée entre l’Union soviétique et la Pologne.

Une fois arrivée à l’ouest, Marion Dönhoff, qui a toujours vécu la plume à la main, rédigea à l’attention des autorités de la zone d’occupation où elle résidait deux mémoranda sur l’histoire récente et l’avenir possible du pays. Ils attirèrent l’attention d’un petit groupe de personnalités occupées, à Hambourg, avec le soutien des Britanniques, à lancer un nouveau journal : Die Zeit (« Le Temps ») Parmi ceux-ci se trouvait le juriste et politicien Gerd Bucerius, qui deviendra un de ses amis les plus proches. Convaincue, comme eux, que pour reconstruire une Allemagne respectable il fallait produire un journal de qualité, elle rejoignit l’équipe de rédaction. Sa « seconde vie » commençait, et avec elle l’action qui l’a fait connaître.

Sans aucune expérience du journalisme, mais dotée de solides facultés d’analyse et écrivant avec facilité, Marion Dönhoff devint rapidement un pilier de l’hebdomadaire, qu’elle n’abandonnera qu’une seule fois au cours des cinquante années suivantes, dans des circonstances très révélatrices : Die Zeit avait décidé d’ouvrir ses colonnes au juriste Carl Schmitt, un homme qui avait été un membre actif du parti nazi. La comtesse menaça : si Schmitt écrivait dans Die Zeit, elle démissionnerait. Il le fit, et elle tint ses promesses. Durant six mois, Marion Dönhoff voyagea, puis séjourna à la rédaction de l’hebdomadaire anglais The Observer dirigée par son ami David Astor. Elle reviendra au Zeit une fois parti Richard Tüngel, le rédacteur en chef qui avait pris la responsabilité de publier l’article de Schmitt, pour prendre immédiatement la direction du service politique.

« Aimer ce qui ne vous appartient plus »

Les textes rassemblés dans Zeichen ihrer Zeit illustrent de façon représentative les grandes orientations de la réflexion politique de Marion Dönhoff et les principaux thèmes récurrents de sa production journalistique. Le premier est celui de l’Ostpolitik, dont elle a été une pionnière et qu’elle a soutenue avec obstination et détermination jusqu’à l’effondrement du communisme et la chute du rideau de fer et du mur de Berlin. Le chancelier Willy Brandt, concepteur et promoteur de cette politique, reconnaîtra d’ailleurs sa dette à son égard, en faisant valoir qu’elle avait largement préparé les esprits à un changement d’attitude vis-à-vis des pays communistes. Dès la fin de la guerre, Marion Dönhoff avait fait son deuil de la récupération des territoires attribués par les alliés à l’URSS et la Pologne, dont elle considérait l’acquisition par ces pays justifiée par les souffrances que l’hitlérisme et les armées allemandes leur avaient infligées. Son idée, pour reprendre la formule souvent citée qu’elle employait au sujet des lacs et des forêts de Prusse orientale, qu’elle pensait ne jamais revoir, était que les Allemands devaient apprendre à aimer ce qu’ils avaient perdu de « cette forme d’amour plus élevée [qui consiste à] aimer ce qui ne vous appartient plus ». En même temps, s’opposant à la ligne très dure à cet égard du gouvernement de Konrad Adenauer, elle préconisait la réconciliation avec le bloc communiste.

En 1962, dans un article (non repris dans le recueil) intitulé Lobbyisten der Vernunft (« Les lobbyistes de la raison »), elle apportait ainsi un retentissant soutient aux signataires du « Mémorandum de Tübingen », un appel lancé par huit intellectuels et savants protestants, dont les physiciens nucléaires Werner Heisenberg et Carl Friedrich von Weizsacker. Au beau milieu de la guerre froide, ils protestaient contre la décision d’équiper l’Allemagne d’armements nucléaires et plaidaient en faveur de la reconnaissance de la ligne Oder-Neisse comme frontière entre l’Allemagne et la Pologne. Lorsque Willy Brandt se rendit à Varsovie pour signer le traité qui établissait le caractère définitif de cette frontière et actait la renonciation des deux États à toute revendication territoriale, après avoir un moment envisagé de l’accompagner, Marion Dönhoff ne put se résoudre à assister personnellement à un événement extraordinairement pénible pour elle, puisqu’il entérinait la perte de la région où elle était née et avait grandi. Mais sous le titre Ein Kreuz auf Preussens Grab (« Une croix sur la tombe de la Prusse »), elle publia dans Die Zeit un de ses plus fameux éditoriaux, qui exprimait son plein soutien au traité : « Personne ne peut plus espérer que ces territoires seront jamais allemands. Quiconque pense le contraire est déjà occupé à rêver de les reprendre par la force. Ce qui signifierait à nouveau un exode pour des millions de gens, ce que personne ne veut. »

Quand l’heure de la réunification du pays est arrivée, Marion Dönhoff s’est tout d’abord montrée réservée, craignant que la reconstitution d’une Allemagne puissante n’effraie le reste du monde et ne réveille de vieux démons. Pour cette raison, elle était réticente à l’égard de l’idée de transférer la capitale de Bonn à Berlin. Mais elle a fini par accepter un processus inévitable, en regrettant simplement qu’Helmut Kohl ait laissé penser à ses compatriotes qu’il n’y aurait pas de prix à payer pour cette décision historique.

Preuve de sa capacité à s’élever au-dessus de tout esprit de revanche, Marion Dönhoff s’est toujours intéressée de près au sort de la Pologne et des Polonais. Après avoir approuvé (comme Helmut Schmidt) la promulgation de l’état d’urgence par le général Jaruzelski, parce qu’il lui semblait que c’était la seule manière d’éviter une invasion soviétique, elle s’est rapprochée des leaders du syndicat Solidarnosc. Plus particulièrement de Bronislaw Geremek, Adam Michnik et Tadeusz Mazowiecki, nous apprend Haug von Kuenheim dans son petit livre sur la comtesse (factuel, compact et très bien structuré, la meilleure introduction à sa vie), parce que Lech Walesa la laissait sceptique en raison de son manque de sens du compromis. En 1989, Marion Dönhoff eut pour la première fois la possibilité de revoir la Prusse orientale à l’occasion d’une visite qu’elle fit à Kaliningrad/Königsberg pour y offrir à la ville une copie (achetée à ses frais) d’une statue d’Emmanuel Kant qu’elle avait accepté de mettre à l’abri dans la propriété de Friedrichstein à la fin de la guerre et qui, malgré d’intenses recherches, n’avait jamais été retrouvée. Une partie de ses articles sur la question germano-polonaise ont été rassemblés dans l’ouvrage Polen und Deutsche. En Pologne, où son nom, à sa grande fierté, a été donné à un lycée, Marion Dönhoff est une figure admirée.

Schmidt, Kissinger et Nehru

Plusieurs articles de Zeichen ihrer Zeit, dont un significativement intitulé Die Deutschen - wer sind sie ? (« Les Allemands - Qui sont-ils ? »), traitent d’une question, qui, on le sait, préoccupe beaucoup les Allemands : celle de l’identité allemande. On trouve aussi dans ce recueil un petit échantillon de ce que Marion Dönhoff a écrit sur la politique internationale. Parlant et écrivant parfaitement l’anglais, familière de la culture et de l’histoire de la Grande-Bretagne et des États-Unis, elle était une atlantiste attentive et critique. Reconnaissante envers les États-Unis du soutien décisif qu’ils avaient apportés à la reconstruction de l’Allemagne, elle pouvait aussi se montrer très sévère à l’égard de la politique extérieure américaine, lorsqu’il lui semblait qu’elle mettait en danger le processus de détente.

Marion Dönhoff, qui depuis son enfance a toujours beaucoup voyagé, s’est également intéressée à d’autres pays d’Europe ou d’autres continents comme l’Inde, les pays arabes et l’Afrique du Sud : opposée de longue date à la politique d’apartheid, elle a consacré un de ses portraits à Nelson Mandela. Le portrait est un genre qu’elle pratiquait volontiers et avec talent. Parmi ceux qui sont repris dans Zeichen ihrer Zeist figurent ceux de deux de ses amis, le diplomate et politologue américain George Kennan, père de la politique du containment de l’Union soviétique durant la guerre froide, et l’ex-chancelier Helmut Schmidt. Elle analyse avec pénétration le parcours politique et la personnalité de ce dernier, dans un texte dans l’ensemble très élogieux, mais lucide et sans complaisance : « Lorsqu’il ne peut pas souffrir quelqu’un, Helmut Schmidt peut être très grossier et abrupt. […] Il lui manque la légèreté, l’amabilité n’est pas son fort. »

Souvent, on a demandé à Marion Dönhoff son opinion au sujet des différents chanceliers qui se sont succédé après la guerre à la tête du gouvernement allemand. Tout en reconnaissant son rôle dans la reconstruction de l’Allemagne, elle s’est toujours montrée très critique à l’égard de Konrad Adenauer qui était à son opinion « colossalement anti-prussien, hostile aux Européens de l’Est et résolument occidental », et dont l’obsession à développer une relation privilégiée avec la France du général De Gaulle a, selon elle, ralenti le processus de construction européenne (de manière générale, contrairement à beaucoup de ses compatriotes, Marion Dönhoff n’était pas francophile). Willy Brandt, dont elle était politiquement et intellectuellement très proche, lui semblait trop idéaliste, et jamais elle n’a témoigné de beaucoup de sympathie et de considération pour Helmut Kohl. À ses yeux, ainsi qu’elle l’a déclaré à de nombreuses reprises, le seul véritable homme d’État qu’ait eu l’Allemagne au cours de la seconde moitié du XXème siècle était Helmut Schmidt, un homme dont, dit Klaus Harpprecht dans sa biographie de la comtesse, elle appréciait les « vertus prussiennes » : discipline, esprit rationnel, solidité de caractère. Au titre des politiciens qui l’avaient impressionnée au niveau international, elle mentionnait systématiquement Nehru et Henry Kissinger. Les raisons de son admiration pour Kissinger et Schmidt, fait remarquer l’historien Gordon A. Craig, ne sont pas difficiles à deviner : « Dans l’exercice de leurs fonctions, tous les deux se sont montrés des hommes très intelligents et énergiques, capables de définir des stratégies qu’ils mettaient en œuvre avec cohérence et détermination, […] des diplomates chevronnés guidés par des considérations d’intérêt national plutôt que le zèle idéologique. »

Cet attrait pour les politiciens adeptes de la realpolitik se combinait chez Marion Dönhoff avec le sentiment que le fonctionnement de la société et de l’économie devait impérativement être commandé par le respect de valeurs humanistes et spirituelles. Libérale par conviction, elle ne pouvait envisager une économie de marché réduite au seul jeu des intérêts. Elle s’insurgeait contre le matérialisme croissant du mode de vie occidental et condamnait les dérives d’un capitalisme triomphant laissé à lui-même, sans principes moraux et sans lignes directrices. Comme le résume très bien Christiane Hasse dans la revue Documents : « [Pour Marion Dönhoff], le vrai libéral […] a le devoir de diriger l’évolution du système [dans] le droit chemin. » On trouvera dans Zeichen ihrer Zeit quelques réflexions sur ce thème, dont une plus grande quantité ont été réunies dans un recueil significativement intitulé Zivilisiert den Kapitalismus (« Civiliser le capitalisme »).

Cette insistance sur la nécessité de subordonner la politique et l’économie à des valeurs qui les transcendent doit être rapprochée des convictions profondes de Marion Dönhoff au sujet de ce qui constitue à son opinion le meilleur de l’esprit prussien. La Prusse est présente de deux manières dans l’esprit et les écrits de Marion Dönhoff. Au plan émotionnel et sentimental, la Prusse est, pour elle, la Heimat, le pays natal, le « chez-soi » (le terme n’a notoirement pas d’équivalent en un seul mot dans la langue française, « pays » et « patrie » n’en rendent qu’imparfaitement le sens et n’en restituent pas les fortes connotations dans la psychologie allemande). En réalité, il faudrait plutôt dire : « la Prusse orientale ». Comme le montre en effet très bien Christopher Clarke dans son histoire de la Prusse Iron Kingdom, à partir d’une réflexion sur les récits de voyage en Brandebourg du romancier Theodore Fontane, aux yeux de ses habitants, la Prusse, État de caractère composite et très régionalisé, était largement une construction artificielle. L’objet de leur sentiment d’appartenance, c’était la partie singulière du territoire prussien dans laquelle ils vivaient. Symptomatiquement, fait remarquer Clarke, à l’issue de la seconde guerre mondiale, les réfugiés des régions annexées par les communistes « se définissaient largement, non comme Prussiens, mais comme Prussiens de l’Est, ressortissants de la haute ou de la basse Silésie, Poméraniens ».

La Prusse des Lumières

D’un autre côté, au plan intellectuel, la Prusse représentait pour Marion Dönhoff la partie de l’Europe où s’était affirmé le plus résolument, avec une exceptionnelle vigueur, l’esprit des Lumières, un esprit de tolérance guidée par la raison. À l’idée de la Prusse, on associe volontiers des traits comme le nationalisme, le militarisme, l’intransigeance, la solennité, l’inflexibilité et la brutalité. Pour Marion Dönhoff, qui n’aimait guère les Hohenzollern et trouvait que Guillaume II avait les manières d’un parvenu, cette image de la Prusse est trompeuse et mensongère, parce qu’elle est liée à une période particulière de son histoire et ne reflète qu’imparfaitement la réalité. Dans un petit livre intitulé Mass und Masslosigkeit (« Mesure et excès »), à cette Prusse réactionnaire et immodérée dans les manifestations de son caractère, elle opposait la Prusse progressiste antérieure, dont les élites intellectuelles et dirigeantes étaient animées par le sens des proportions, de la mesure et de la modération. Sautant en quelque sorte, pour employer l’expression de Max Egremont, par-delà les années noires du nazisme (parfois considéré comme un prolongement du « prussianisme »), la république de Weimar et le règne de l’empereur Guillaume II et de son chancelier Bismarck, elle invitait à retrouver les idéaux des réformateurs de l’époque Frédéric II, le monarque éclairé. En Prusse, au XVIIème siècle, rappelait-elle ainsi dans un commentaire très critique d’une recension du livre de Daniel Golhagen Les bourreaux volontaires d’Hitler, dont la thèse centrale d’une antisémitisme endémique en Allemagne la choquait, les Juifs bénéficiaient d’un statut leur garantissant « droits égaux et égales obligations ». Les valeurs que la Prusse laisse en héritage à l’humanité, soulignait-t-elle avec insistance, sont la tolérance, le sens de la responsabilité, du bien commun, du devoir et de l’État.

Qu’en penser ? Assurément, il convient de nuancer le stéréotype du Prussien prétentieux, arrogant, rigide, bureaucrate et belliqueux. Et la Prusse de Frédéric le Grand n’était pas celle de Bismarck. Mais dans son effort pour réhabiliter la Prusse, Marion Dönhoff semble avoir projeté beaucoup de l’image qu’elle-même s’en faisait. La Prusse qu’elle décrit et vante dans un autre article très connu, Eine europäische Dimension Preussens ? (« Une dimension européenne de la Prusse ? ») est certainement inspirante, mais elle est le produit d’une vision idéalisée.

Enfin, il y a la personnalité de Marion Dönhoff. À côté de son histoire peu banale et du rayonnement de son travail journalistique, elle a sans conteste contribué à l’édification de sa légende. Dans ses mémoires, l’historien Fritz Stern a parfaitement décrit l’impact que son apparence et son caractère exerçaient sur tous ceux qui l’approchaient. De petite taille mais de port altier, d’une beauté « discrète et singulière », dit-il, dotée d’un visage lumineux qui irradiait d’une lumière intérieure, habillée avec cette élégance classique qu’on appelle en allemand Schlicht, elle avait un grand charme, mais son attitude « suggérait la distance et inspirait le respect, voire une crainte admirative ». À la rédaction de Die Zeit, personne ne l’appelait autrement que « la comtesse ».

Capable de se montrer attentive et chaleureuse, et même, d’après ses anciens collaborateurs comme son successeur à la tête de la rédaction Theo Sommer, de se laisser aller à rire de bon cœur, Marion Dönhoff, qui était de tempérament réservé et peu expansif, n’était en effet pas quelqu’un dans l’intimité de qui on pouvait entrer facilement. « Ses intérêts », souligne Fritz Stern, « étaient intenses et universels, politiques et personnels. Infailliblement elle allait au cœur des choses ». À de nombreuses reprises, ils ont donc eu des conversations profondes, d’un caractère par moments assez personnel. Mais ce n’est qu’au bout de vingt ans qu’elle lui a proposé d’abandonner le vouvoiement pour user, entre eux, du « du » familier. Avec Henry Kissinger, également un de ses amis les plus proches, il lui a fallu trente ans pour passer au tutoiement. On peut découvrir la manière dont Marion Dönhoff pouvait se livrer, ouvertement mais avec retenue, dans ses lettres. Elle était une épistolière prolifique. Des extraits de sa correspondance avec Gerd Bucerius et avec l’historien suisse Carl Jacob Burckhardt ont été publiés, ainsi qu’une sélection de lettres à tout un éventail de destinataires : outre les deux hommes cités, Helmut Schmidt et l’ancien président de la république fédérale Richard von Weizsäcker, George Kennan, Willy Brandt, Fritz Stern et plusieurs autres personnes, dont certains membres de sa famille. Un autre correspondant régulier de Marion Dönhoff était le philosophe Karl Jaspers, connu notamment pour ses réflexions sur la responsabilité collective des Allemands avant et après la Seconde Guerre mondiale. À ce jour, leurs lettres n’ont malheureusement pas été publiées.

Un cercle d’amis ostensiblement masculin

On notera ici une particularité frappante de ce que l’on peut appeler le « monde » de Marion Dönhoff : le très fort recoupement entre les personnes sur qui elle a écrit, celles à qui elle écrivait, celles qui ont écrit sur elle et le groupe de ses amis. Dans un article publié dans le Zeit à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance, Elisabeth von Thadden a fait l’inventaire de ce cercle d’amis de Marion Dönhoff, qui, à côté des personnes citées, comprend aussi notamment Edgar Salin, le sociologue Ralf Dahrendorf, l’historien Ernst Kantorowicz et l’écrivain russe dissident Lev Kopelev. Elle souligne son caractère ostensiblement masculin. N’est-il pas étonnant, se demande-t-elle, que Marion Dönhoff n’ait pas été l’amie d’une autre intellectuelle qui a grandi en Prusse orientale, la philosophe Hannah Arendt ? D’après une lettre de cette dernière à son mari Heinrich Blücher, les deux femmes se sont rencontrées, et Arendt aurait trouvé la journaliste aimable et intelligente. Mais de toute évidence, Marion Dönhoff préférait la compagnie des hommes. « Elle aimait être la seule femme dans la pièce » dit Max Egremont, qui l’a trouvée « aguicheuse » même à l’âge avancé où il a fait sa connaissance.

À la rédaction du Zeit, la comtesse était entourée d’une bande de jeunes journalistes du sexe masculin, sur lesquels elle exerçait un très fort ascendant et qui affirment avoir appris d’elle leur métier. Un peu comme, en France, à la tête de l’Express, une autre légende du journalisme, Françoise Giroud. Celle-ci s’est cependant aussi employée à lancer dans le journalisme une escouade de jeunes femmes et, de manière générale, les deux rédactrices en chef se distinguaient clairement par leur origine sociale, leur caractère et leur style de vie et d’écriture. Mais en dépit de ces différences, il est tentant de les rapprocher. L’une comme l’autre étaient des femmes très intelligentes, déterminées et opiniâtres, des bourreaux de travail (Marion Dönhoff restait à son bureau du Zeit de 12 à 15 heures par jour), qui ne vivaient que pour leur journal, l’écriture, les idées et la politique. Toutes deux ont exercé sur leur profession, à laquelle elles servaient de modèles, une influence profonde et durable, et l’une et l’autre sont devenues des figures mythologiques dans leurs pays respectifs.

Marion Dönhoff était bien sûr consciente de ses pouvoirs de séduction et fière de l’effet qu’elle faisait sur les hommes. « Elle avait naturellement des admirateurs », relève un ancien collaborateur, Claus Jacobi, « mais si quelqu’un possédait son cœur, je l’ignore ». De fait, la vie sentimentale et amoureuse de la comtesse est toujours restée entourée d’un halo de mystère, parce qu’elle se montrait terriblement discrète en ces matières et que ses amis respectaient sa volonté à cet égard. Helmut Schmidt affirme qu’elle a perdu son grand amour durant la guerre (sans préciser de qui il s’agit), et dans sa biographie, Klaus Harpprecht insiste sur son amitié avec David Astor, allant jusqu’à affirmer, sans preuves à l’appui, que ses relations avec le rédacteur en chef de The Observer ont été ce qui a le plus profondément marqué sa vie avec le complot contre Hitler du 20 juillet 1944 et ses suites. Quoi qu’il en soit, elles ne débouchèrent pas sur une union durable, les deux partenaires étant l’un et l’autre très attachés à leur indépendance. Marion Dönhoff ne se maria jamais, mais éleva les enfants d’une de ses sœurs et d’un de ses frères après le décès de leurs parents, et elle resta toute sa vie très proche de ses nièces et neveux, plus particulièrement de l’un d’entre eux, qui devint pour elle une espèce de confident.

Vivant dans une petite maison remplie de livres (comme l’était son bureau du Zeit) à quelques kilomètres de Hambourg au milieu d’un paysage rappelant un peu celui de la Prusse orientale de son enfance, elle menait une existence, sinon austère, à tout le moins simple et frugale, avec pour seul luxe les voitures de sport, dont elle avait la passion : jusqu’à un âge avancé, elle s’est rendue quotidiennement dans les locaux du Zeit au volant de sa Porsche. Ainsi que le met en lumière un entretien avec celui de ses neveux auquel elle était la plus attachée, Marion Dönhoff était profondément religieuse. Elle croyait à la survie personnelle et affirmait être protégée par un ange gardien. En matière de santé, elle se montrait plutôt désinvolte : « La maladie, c’est pour les hypocondriaques » affirmait-elle péremptoirement. Les faits semblent lui avoir donné raison, au moins dans son cas, puisqu’elle est restée alerte et active pratiquement jusqu’à sa mort, continuant à écrire jusqu’à ce que ce que, dans ses derniers mois de vie, les conséquences d’un cancer qui finit par l’emporter lui interdisent l’usage de la main droite.

Un symbole de son temps

Combinée avec sa sûreté de jugement en politique et la hauteur de vue dont elle faisait invariablement preuve, la singularité de la personnalité de Marion Dönhoff, la façon dont sa vie et ses manières reflétaient ce que l’on se plait à considérer comme les vertus aristocratiques, qu’elle prônait et affirmait avoir été celles de la noblesse prussienne éclairée, expliquent certainement l’admiration unanime dont elle n’a cessé de faire l’objet (pas tout à fait unanime, en vérité : dans ses mémoires, une autre institution de la vie intellectuelle allemande, le célèbre critique littéraire Marcel Reich-Ranicki, ne mentionne pas une seule fois son nom, ce dont on s’étonnera d’autant plus qu’avant de devenir le critique attitré du Frankfurter Allgemeine Zeitung, il avait commencé sa carrière au Zeit).

Dans la transformation de Marion Dönhoff en légende vivante, d’autres facteurs ont toutefois incontestablement joué : le récit enchanteur qu’elle a fait de son enfance et de sa jeunesse, son histoire incroyablement romanesque qui mêle bonheur et succès, tragédie et malheur, sa trajectoire remarquable à une époque où peu de femmes entreprenaient des études universitaires et dans un univers politique et journalistique alors presque complètement masculin (un point auquel ne pouvait qu’être sensible sa biographe Alice Schwarzer, figure de proue du féminisme en Allemagne) ; le brio, aussi, avec lequel elle analysait la situation de l’Allemagne et articulait les espoirs et les regrets des Allemands, leurs attentes et leurs inquiétudes, leurs fiertés et leurs angoisses. Produit, par certains aspects de sa vie, de ce qui était arrivé de pire à l’Allemagne au cours des décennies précédentes, mais en même temps porte-parole éloquente de la volonté des Allemands de retrouver leur dignité et avocate infatigable de la reconstruction du pays dans la paix et la réconciliation avec ses voisins, elle était comme une image en miniature et un concentré de l’histoire allemande dans l’enveloppe physique d’une personne. Il n’en faut pas plus pour transformer un individu en symbole. Comme le résume très bien le titre de ce récent ouvrage posthume, Marion Dönhoff était « un symbole de son temps ».

Mais un symbole, elle ne l’a été et ne continue à l’être que pour les Allemands. De la totalité de ses livres, quasiment seuls ses souvenirs d’enfance ont été traduits (en anglais, italien et portugais, ainsi qu’en français, il y a plus de vingt ans, mais l’ouvrage n’a jamais été réédité et est épuisé). Le récit de sa fuite devant l’avancée de l’armée rouge a également été traduit en français, son livre d’hommage à ses amis du complot du 20 juillet en italien, et l’un de ses livres sur l’histoire de l’Allemagne d’après-guerre en anglais. Mais ses autres livres d’histoire, son recueil de portraits, sa correspondance et ses compilations d’articles et d’entretiens n’existent qu’en langue allemande, tout comme les trois biographies dont elle a fait l’objet. Peut-être un jour un producteur de cinéma s’avisera-t-il que la vie de Marion Dönhoff constitue un merveilleux sujet de film. Pour peu que celui-ci soit efficacement diffusé en Europe et dans le monde (un tel projet ne pouvant être conçu qu’en Allemagne), il permettrait à la grande dame de la presse allemande d’accéder brièvement à la notoriété internationale, avant que l’inexorable passage du temps n’estompe progressivement son souvenir, pour finir par entraîner son nom dans l’oubli même dans son propre pays. 

Michel André

LE LIVRE
LE LIVRE

Symbole de son temps de Une grande dame en Allemagne, Diogenes Verlag

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