Comment la blouse est devenue blanche
Publié le 14 septembre 2016. Par La rédaction de Books.
Library of Congress
Après plusieurs suicides dans leurs rangs ces derniers mois, les infirmiers se sont mobilisés ce mercredi. Pour matérialiser leur grève nationale, certains ont mis un brassard noir sur leurs blouses blanches. Cette blouse, aujourd’hui, indissociable des professions médicales, n’a pourtant pas toujours été de mise dans le milieu. Son adoption à la fin du XIXe siècle marque en fait un tournant dans l’histoire du métier, rappelle Dan Blumhagen dans « The doctor’s white coat: the image of the physician in modern America ». C’est l’époque où la médecine devient scientifique et se met à incarner le progrès. Jusqu’alors, les soignants étaient vêtus de noir : les médecins dans leurs complets de ville et les infirmières dans les habits sombres de leur ordre religieux. Le noir marquait la solennité des personnages et de leur fonction, mais il était aussi, souligne Richard Shryrock dans Development of Modern Medicine, un symbole morbide. L’avis médical est encore souvent requis dans l’antichambre de la mort. La médecine du début du XIXe siècle est faite de nombreuses cures inutiles et d’une bonne dose d’ignorance. Un diplôme de praticien peut être obtenu en un an ; il existe peu de guides des bonnes pratiques professionnelles ; médecins, vendeurs de potions et charlatans sont difficiles à distinguer.
Les progrès scientifiques, notamment la découverte des bactéries et des bénéfices de l’hygiène, poussent les soignants à adopter un costume qui contribue à accréditer leur nouvelle image scientifique : la blouse en usage dans les laboratoires. En quelques années, ils passent donc du noir au blanc. A quatorze ans de distance, Thomas Eakins peint la même scène hospitalière. En 1875, tous les soignants sont en complet-veston ; en 1889, tous sont en blouse. Si aujourd’hui elle est parfois abandonnée (accusée de transporter des germes et de faire peur au patient), la blouse blanche reste un symbole fort.