Cadeaux de Noël : le grand gaspillage

Les fêtes sont finies. Malgré la crise, vous avez dépensé une fortune en cadeaux. C’était de l’argent bien placé, vous dites-vous. N’avez-vous pas été fort gâté vous-même ? Bon, il y a bien ce service à thé jaune poussin offert par la tante Germaine : pas sûr que vous l’utiliserez tous les jours. Il ira sans doute rejoindre, au fond d’un placard, le charmant pull vert pomme, trop petit de trois tailles, offert l’hiver précédent par la même tante Germaine. Sur le total de cadeaux offerts  à Noël, combien correspondent vraiment aux goûts de ceux qui les ont reçus ? Pour l’économiste Joel Waldfogel, même si ces cadeaux inutiles représentent une petite proportion de l’ensemble, ils constituent, à l’échelle mondiale, un gaspillage de 25 milliards de dollars chaque année. C’est ce qu’il explique dans un ouvrage provoquant, Scroogenomics. Un titre teinté d’ironie puisqu’il fait référence au personnage de Scrooge, le célèbre avare du Conte de Noël de Dickens. Pour Waldfogel, « lorsque d’autres personnes font votre shopping, il est assez peu probable qu’elles choisissent aussi bien que vous ne l’auriez fait vous-mêmes. » Or, c’est exactement ce qui se passe à Noël. Waldfogel, au départ spécialiste d’économie industrielle, s’est mis à enquêter sur le phénomène en 1993. « Il a demandé à ses étudiants de faire une liste des cadeaux qu’ils avaient reçus et d’indiquer a) la somme dépensée pour leur achat et b) la somme qu’ils auraient été eux-mêmes prêts à mettre pour ces présents », rapporte John-Paul Flintoff, dans le Sunday Times.  La différence entre a) et b) représente le montant de ce qui a été gaspillé. « Par exemple, poursuit Flintoff, si j’ai dépensé £ 100 pour une lampe que vous estimez valoir £ 80, j’ai gaspillé £ 20. » « Une perte sèche » pour Waldfogel, puisqu’elle n’est pas compensée par un gain ni pour celui qui offre, ni pour celui qui reçoit. Mais une perte qui est, semble-t-il, avant tout une affaire de subjectivité, puisqu’il s’agit d’une perte se mesurant d’abord en terme d’ « insatisfaction » : « Choisir soi-même ses cadeaux génère 18 % de satisfaction supplémentaire – par dollar dépensé », a calculé l’économiste. A contrario, d’après ses évaluations, cela signifie, sur l’ensemble des cadeaux faits dans le monde (qui équivalent à un montant de plus de 100 milliards de dollars) un gaspillage d’à peu près 25 milliards de dollars. Quelles sont les solutions proposées par Waldfogel ? L’idéal serait d’offrir directement de l’argent. Mais c’est là une pratique assez mal vue. Restent les chèques cadeaux. Mais, là encore, il y a des progrès à faire. A en croire l’universitaire, « près d’un dixième de ces chèques ne sont pas utilisés. » D’où sa grande idée : prolonger à douze ou dix-huit mois leur délai d’expiration et, s’ils ne sont toujours pas utilisés, reverser leur montant à des œuvres de charité. Bien entendu, il s’agit là de conseils d’économiste. De l’aveu même de Waldfogel, les suivre, revient « un peu à prendre un Suisse pour amant »…
LE LIVRE
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Scroogenomics de Cadeaux de Noël : le grand gaspillage, Princeton University Press

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