Comment les céréales nous ont domestiqués
Winslow Homer. The Veteran in a New Field. 1865
Au Salon de l’Agriculture (jusqu’au 5 mars à Paris), l’homme semble avoir dompté la nature. Mais si c’était l’inverse ? Selon le professeur de sciences politiques James C. Scott, ce ne sont pas les hommes qui ont domestiqué les plantes, mais plutôt l’inverse. Il explique dans une série de conférences et un livre à paraître, Against the Crop, que la révolution agraire du néolithique ne s’est pas faite au bénéfice de nos ancêtres.
L’agriculture n’a pas donné la possibilité aux hommes de se sédentariser et de s’organiser, allant jusqu’à créer des Etats. Ils y ont été contraints. Ils ont cherché le moyen de préserver à tout prix leurs plantes domestiques, les céréales. Blé, maïs et riz nécessitent un travail important, du labour à l’irrigation. Toute une moisson peut être perdue ou volée au cours d’un raid mené par un groupe ennemi. Pour se protéger, les paysans ont employé des bâtisseurs pour construire des murs et des soldats. Des hommes qu’il faut nourrir, avec des céréales. S’engage alors un cycle sans fin. Les hommes ont besoin de toujours plus de céréales pour assurer leur approvisionnement en céréales. Ils ont développé, pour y parvenir, une société toujours plus complexe. Mais ont aussi perdu, au passage, une partie de leurs savoir-faire de chasseurs-cueilleurs, se spécialisant dans l’agriculture. Ils sont devenus les esclaves du blé, du riz et du maïs.
Une situation qui ne s’est pas reproduite avec le manioc ou la pomme de terre, assure Scott. Les Etats prolétaires sont apparus là où des céréales aussi faciles à stocker qu’à détruire sur pied ont été domestiquées. Les racines, sous terre, se défendent toutes seules. Pas besoin d’organisation complexe pour garder des patates.
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