Publié dans le magazine Books n° 35, septembre 2012. Par Brent Staples.
Dans l’Amérique ségrégationniste des années 1920, il suffisait d’avoir un ancêtre de couleur pour être déclaré tel. Des mulâtres à la peau très claire, descendants d’une esclave et d’un propriétaire sudiste, choisissent alors de se faire passer pour Blancs. Pour échapper aux vexations et améliorer leurs conditions de vie.
En ce printemps 1922, on s’arracha les billets d’entrée pour l’inauguration du Lincoln Memorial. Des dizaines de milliers de personnes convergèrent vers le National Mall pour une grande journée de festivités ; au programme, parades, musique et discours. Parmi les plus célèbres Washingtoniens noirs présents en ce Memorial Day ensoleillé (1) figurait Whitefield McKinlay, ancien receveur des douanes à Georgetown et administrateur de biens pour l’élite mulâtre de la ville. À presque 70 ans, McKinlay avait vécu le pire et le meilleur de ce que l’après-guerre de Sécession devait réserver aux personnes de couleur. Il avait été admis à l’université de Caroline du Sud pendant la période faste de la Reconstruction, puis en avait été exclu après l’arrivée au pouvoir des démocrates, qui soumirent l’État à une forme extrême de ségrégation. Il avait vu des hommes politiques noirs portés au pouvoir par les électeurs noirs quand on leur accorda le droit de vote, puis balayés quand on le leur retira. Le même processus avait présidé à l’évolution de Washington. Autrefois décrite comme le « paradis de l’...