À contre-courant
Temps de lecture 1 min

La chaise n’a rien de banal


"Farmer reading his farm paper" / George W. Ackerman

Le militant altermondialiste Jon Palais a été jugé le 9 janvier pour avoir volé une douzaine de chaises dans une agence bancaire… Il entendait ainsi « dénoncer l’impunité des banques qui organisent l’évasion fiscale ». Ces chaises symboliques sont moins banales qu’elles en ont l’air. Cet objet a révolutionné non seulement la façon de se reposer mais aussi transformé la société toute entière, assure le professeur d’architecture Witold Rybczynski dans Now Sit Me Down. S’asseoir sur un siège n’est pas du tout naturel. La première attestation historique de cette pratique tient dans une sculpture découverte dans les Cyclades et datant de 2800 à 2 700 avant notre ère. Elle représente un musicien jouant de la harpe et assis sur ce qui ressemblerait aujourd’hui à une chaise de cuisine (dos droit, quatre pieds). Dès l’Egypte antique, le siège n’est pas qu’un objet commode, il est aussi lié au statut social. Muni d’un dossier ou d’accoudoirs, il est réservé à l’élite. Chez les Grecs par contre, il est démocratique. Au Moyen-âge, il ne l’est plus. Les chaises sont chères. Le commun s’assoit sur ce qu’il trouve, au mieux un banc.

Mais l’histoire de la chaise est moins celle d’une évolution que d’une culture, précise le professeur Rybczynski. Aujourd’hui encore le monde est divisé entre ceux qui s’assoient sur une chaise et ceux qui préfèrent le sol. En Asie du Sud-Est, en Amérique latine et en Afrique, les gens aiment mieux être accroupis ou en tailleur ; au Japon et en Corée, la position à genoux est la plus commune. L’anthropologue Gordon W. Hewes a ainsi dénombré plus de cent façons de s’asseoir. Se reposer directement sur le sol a des conséquences sociales et physiques. Les gens portent alors des vêtements plus larges pour être à l’aise une fois assis, les sandales sont préférées aux chaussures car plus compliquées à ôter, le mobilier est moins nombreux et moins haut, et les maisons sont aménagées avec des rangements au niveau du sol. Dans les cultures favorisant la chaise, au contraire s’asseoir sur le sol est un moyen de bousculer l’ordre établi. « Ce qui explique pourquoi les adolescents aiment tant ça » ajoute Rybczynski.

LE LIVRE
LE LIVRE

Now Sit Me Down de Witold Rybczynski, Farrar, Straus and Giroux, 2016

SUR LE MÊME THÈME

À contre-courant La France et le hijab
Élégie familiale
À contre-courant Les murs, fondements de la civilisation

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Chronique

Feu sur la bêtise !

par Cécile Guilbert

Voir le sommaire