Comme la radio ?

Le mot « e-book » est appelé à disparaître. Il sera remplacé par « book ». En bon français, par « livre ». L’avenir du livre, c’est donc le livre. Sauf qu’il ne sera plus sur papier. Telle est du moins la prédiction de l’un des concepteurs du Kindle d’Amazon, qui l’écrit en fanfare dans un « livre » qui vient de paraître – sur papier et en format électronique : Burning the page (« Brûler la page »). Cela rappelle une couverture un peu plus ancienne de Business Week, où l’on voyait un livre en flammes, dont le titre était « Amazon veut brûler le business du livre ». Chez nous, la ministre de la Culture dénonce le « comportement destructeur d’Amazon pour les librairies ». Le problème de l’avenir, c’est qu’il concerne le futur. Dans tous les domaines un tant soit peu compliqués, « le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui » est jonché des cadavres de prédictions fausses. L’une des difficultés du sujet est la notion même de livre. La question de l’avenir ne se pose pas du tout de la même manière pour un éditeur d’ouvrages juridiques et pour un éditeur littéraire, par exemple. Quand nous évoquons nos craintes sur l’avenir du livre, la plupart d’entre nous avons en tête la question du livre de qualité, qui ne représente qu’une faible fraction du marché. Or il y a gros à parier que son avenir, qu’il soit sur papier ou non, dépend avant tout de l’appétit qu’auront pour ce type d’ouvrages les digital natives. Toutes les études montrent que ledit appétit est en baisse sensible dans les pays riches. Parallèlement, les enquêtes montrent aussi que les lecteurs, même accros de l’e-book, préfèrent le papier quand il s’agit de se plonger dans un texte un peu exigeant. L’objet livre lui-même résistera en fonction de la demande. Y compris le livre papier, qui est un superbe objet technologique, comme le remarque l’économiste James Surowiecki : facile à lire, portable, durable, bon marché. À quoi il faut ajouter le rapport quasi charnel qui s’établit avec chacun de ces objets en particulier, ce qui n’est pas le cas du texte sur liseuse ou tablette, inodore et sans saveur. Ce n’est pas par masochisme qu’Amazon est devenu lui-même un éditeur de livres papier : tout prédateur qu’il est, le géant américain mise aussi sur l’avenir de ce segment du marché. Le pari est que le livre fera comme la radio, qui a si bien résisté au déferlement de l’audiovisuel puis à la vague Internet.  

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