À contre-courant
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Comment la France a popularisé le jazz


Hugues Panassié et le guitariste Tiny Grimes / Library of Congress

 

« C’est dans l’Hexagone que le jazz a, pour la première fois, trouvé un public et des lettres de noblesse », écrit l’historien Ludovic Tournès. Dans New Orleans sur Seine, il affirme que si ses rythmes sont nés aux Etats-Unis, ses premières structures de production, de diffusion et de réception sont apparues en France. Un processus qui n’est pas allé sans débats sur l’origine « noire » du jazz.

Paris, 1932, une petite avant-garde crée une association pour faire connaître cette nouvelle musique venue d’outre-Atlantique. Au Hot Club de France, ces amateurs commencent par se réunir pour écouter des conférences ou simplement des disques, très chers à l’époque, avant de passer, l’année suivante à l’organisation de concerts puis à l’édition de la revue Jazz Hot, et enfin, en 1937, à la production de disques.

Le jazz séduit les mélomanes Français parce qu’il est américain et même afro-américain. Mais cette origine pose aussi problème. Pouvait-elle être dûment « francisée », se demande-t-on ? Dans les années 1930 et 1940, note Adam Shatz dans la New York Review of Books, le jazz parisien populaire est très « blanc », dominé par un swing plus proche de la chanson de variété que du blues. Ce que le chef de file des avant-gardistes du Hot Club, Hugues Panassié, dénonce comme du « faux jazz ». En 1934, dans son livre Le Jazz Hot, il affirme que le « swing nègre » est l’élément essentiel du jazz, celui qui ne se trouve dans aucune autre musique. Panassié est maurassien, mais il ne voit pas là de contradiction avec sa passion pour « la musique nègre ». Au contraire, il entend dans le jazz les échos « d’une conception musicale primitive apparue il y a des centaines d’années en Europe ». Panassié est cloué au pilori par ses anciens compères. C’est notamment grâce à l’un d’eux, Charles Delaunay, que ce nouveau genre musical survit pendant l’occupation. Membre de la résistance, il continue de faire fonctionner le Hot Club en présentant ses productions comme purement françaises, très différentes « des abominations judéo-nègres » abhorrées par les nazis. A la libération, le jazz sera définitivement porté par l’américanophilie ambiante.

LE LIVRE
LE LIVRE

New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France de Ludovic Tournès, Fayard, 1999

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