Comment la France s’est inventé une histoire
Publié le 5 février 2016. Par La rédaction de Books.
L’identité nationale, avant d’être au cœur des débats politiques du XXIe siècle, a beaucoup agité les historiens du XIXe.
La France trouve alors ses origines, c’est selon, du côté des Gaulois ou des Francs ; naît avec le baptême de Clovis, la révolution communale du XIIe siècle ou Jeanne d’Arc… Cette frénésie de théories successives ou simultanées est l’une des conséquences de la Révolution. Sans monarchie, la France est soudain privée de sa justification divine. Il lui faut s’inventer une autre genèse. Dans Les Origines de la France, Sylvain Venayre montre à quel point les chercheurs du XIXe siècle sont hantés soit par la quête des origines, soit par celle du moteur de l’évolution nationale. Augustin Thierry est le premier à se pencher sur la question, après avoir affirmé en 1818 : « Nous n’avons pas d’histoire de France ».
Les thèses varient bien sûr au gré des vents politiques et scientifiques. Car les historiens de l’époque sont très engagés politiquement, ce dont se désolera Fustel de Coulanges en 1872 : « L’histoire est devenue chez nous une sorte de guerre civile en permanence », écrit-il. Encensée au milieu du siècle, la raciologie sera ainsi complètement récusée après la défaite de 1870, puisqu’elle passe désormais pour une « science allemande ». Et Ernest Renan, après avoir affirmé que la race était un élément décisif de l’identité, rejette cette explication dans sa célèbre définition de la nation de 1882.
C’en est alors bien fini de la théorie des « deux nations », postulant que l’affrontement de l’aristocratie et du Tiers-Etat, héritiers respectivement des Francs et des Gaulois, expliquerait la révolution. Elle avait connu son heure de gloire au début du siècle, mais disparaît quelques décennies plus tard, quand le pays a tout intérêt à se représenter la nation comme « diversité ayant vocation à l’unité ».