Publié dans le magazine Books n° 22, mai 2011. Par Baptiste Touverey.
Au XVe siècle, la bourgeoisie flamande se saisit du tableau, invention récente, pour glorifier le réel. Ce faisant, elle consacre le triomphe de la peinture, jusque-là considérée comme un art secondaire. La noblesse lui préférait la sculpture. Notre rapport à l’art n’a plus jamais été le même.
Né en 1935, l’Allemand Hans Belting est un grand historien et anthropologue de l’art. Il a enseigné notamment à Heidelberg, à Harvard et au Collège de France. Son dernier ouvrage paru en français : La Double Perspective. La science arabe et l’art de la Renaissance, Les Presses du réel, 2010.
Dans votre livre, vous défendez une thèse surprenante : la peinture aurait été inventée dans la Flandre du XVe siècle. Mais n’existait-elle pas auparavant ?
En réalité, je ne parle pas de l’invention de la peinture, mais de l’invention du tableau, ce qui est très différent. Bien sûr que la peinture existait auparavant : sous forme d’icônes, de fresques ou de miniatures. C’est le tableau qui est né à ce moment-là, c’est-à-dire un objet indépendant, transportable, avec un cadre, et que l’on peut accrocher au mur d’une pièce. Cela n’a l’air de rien, mais c’est la plus importante innovation de la culture européenne de cette époque. Le tableau n’...