Crise climatique, crise artistique
Publié le 2 juin 2017. Par La rédaction de Books.
Donald Trump a annoncé le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat. Si une frange du monde politique débat de la réalité du changement climatique, le monde artistique lui reste majoritairement silencieux sur le sujet. Dans The Great Derangement, l’écrivain indien Amitav Ghosh explique que la crise climatique est aussi une crise culturelle, et de l’imagination.
Il constate que la littérature grand public n’explore pas cette thématique. Des auteurs comme Margaret Atwood, Doris Lessing, Cormac McCarthy ont écrit sur les changements accrus de notre environnement. Mais hors du domaine de la science fiction, les écrivains n’imaginent plus les possibilités de notre monde, ce qui est selon Ghosh, autant, sinon plus, leur mission que celle des hommes politiques.
Les écrivains n’ignorent pourtant pas tout de la crise climatique, et savent s’engager sur d’autres problématiques. La forme même du roman moderne est à blâmer, explique Ghosh. Il ne sait plus faire place à l’improbable. En se concentrant sur des aventures individuelles et psychologiques, il a fait du quotidien, des petites choses l’essentiel de son propos et relégué l’incroyable à l’arrière-plan. Le roman a rationalisé son univers. Il est devenu un monde avec peu de surprises, moins d’aventures et plus aucun miracle. « Un événement qui serait seulement peu probable dans la vie (disons, une rencontre inattendue avec un ami d’enfance perdu de vue depuis longtemps) apparaît comme totalement impossible dans un roman : l’auteur devra travailler dur pour le rendre plausible », écrit Ghosh. C’est là tout le défi pour les écrivains actuels : comment faire du changement climatique une réalité concevable. Et aussi toute l’ironie du roman réaliste. Les mêmes techniques qui lui permettent de créer une certaine réalité masquent le réel.