Dans la fabrique des souris de laboratoire
Publié le 4 février 2016. Par La rédaction de Books.
En cette journée mondiale contre le cancer, on oublie un acteur de la lutte contre la maladie : la souris. Les scientifiques soulignent souvent à quel point le fait de prendre ces rongeurs pour cobayes relève de l’évidence. Des petits mammifères qui se reproduisent rapidement et facilement, et susceptibles d’avoir des pathologies très proches de celles des humains, c’est l’idéal. Mais il y a souris et souris, rappelle Karen Rader dans Making Mice. Car les rongeurs utilisés par les scientifiques ne sont plus les premiers venus, comme il était d’usage au début du XXe siècle. Ce sont des produits de laboratoire. Le chercheur américain Clarence Cook Little est l’un des premiers à avoir compris, dans les années 1920, l’intérêt d’utiliser des animaux sélectionnés. Il a créé des lignées génétiquement calibrées, issues de croisements successifs. Ces rongeurs apportaient des gages de fiabilité et de reproductibilité aux expériences scientifiques.
Son but était de mettre ces animaux au service de la recherche sur les origines génétiques du cancer. Il avait constaté que certaines de ses lignées montraient une tendance héréditaire à développer un cancer mammaire. Mais au moment où il réussit à réunir les fonds pour créer son propre laboratoire de recherche sur le sujet, la crise de 1929 frappe. Pour le maintenir à flot, Clarence Cook Little se met à vendre ses lignées de souris à d’autres scientifiques. Une pratique alors inédite. Aujourd’hui, les modèles de souris du célèbre laboratoire Jackson sont des marques déposées, massivement utilisées par les chercheurs. Little a aussi contribué à changer l’image publique de l’animal, souligne Karen Rader. Il en a fait non plus un nuisible mais un allié précieux de l’homme dans la quête scientifique. Et la souris semble suffisamment éloignée de nous pour que la manipulation de son génome ne pose pas de problème éthique à la société.