Au désespoir de l’espérantiste

Le premier congrès mondial d’espéranto s’est tenu en 1905 à Boulogne-sur-Mer. L’invité vedette était bien sûr le Russo-Polonais Ludvik Zamenhof, l’inventeur de la langue. Problème : il était juif, et l’affaire Dreyfus n’était pas terminée. Ayant mesuré la gravité de la situation, les organisateurs français du congrès exigèrent de lire le texte de son discours inaugural avant qu’il le prononce (en espéranto). C’était un texte presque mystique, dans lequel Zamenhof, conformément à ses convictions, présentait la nouvelle langue comme un moyen de rassembler les peuples. Il se terminait par une prière. Or c’était aussi l’année de la loi de séparation des Églises et de l’État ! Le comité, proprement scandalisé, demanda à Zamenhof d’amender son texte et de supprimer la prière. « Les larmes aux yeux, écrit ­Esther Schor dans son histoire de l’espé­ranto, isolé, apeuré, il refusa de modifier son discours » – mais supprima la dernière strophe de sa prière, dans laquelle il proclamait que les chrétiens, les juifs et les musulmans sont tous des ­enfants de Dieu. Les organisateurs firent aussi tout ce qu’...
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Un pont de mots : l’espéranto et le rêve d’une langue universelle de Esther Schor, Metropolitan, 2016

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