Djihadistes et poètes
Publié le 26 juin 2015. Par la rédaction de Books.
Hadîth Bayâd wa Riyâd
Il a soufflé sa première bougie. L’Etat Islamique a proclamé son califat il y a tout juste un an. Un anniversaire que ses militants ne manqueront pas de célébrer en vers, comme ils le font pour tous les actes de l’organisation. Daech, Al-Qaïda et les autres mouvements djihadistes sont de prolixes producteurs de poésies. Cette forme d’écriture est en effet au cœur de leur culture, selon les universitaires Robyn Creswell (spécialiste de littérature) et Bernard Haykel (spécialiste du Moyen-Orient). « Contrairement aux vidéos de décapitation et d’immolation par le feu, qui sont destinées essentiellement à un public étranger, la poésie est une fenêtre sur le mouvement lorsqu’il se parle à lui même, écrivent-ils dans le New Yorker. Ce sont leurs vers qui expriment le mieux l’imaginaire du djihad. »
L’été dernier, Ahlam al-Nasr, surnommée « la poétesse de l’Etat Islamique », a ainsi publié « Le feu de la vérité », un recueil de 107 poèmes en arabe. Elle y voue bien entendu les ennemis du Califat à une mort certaine, mais consacre aussi des élégies aux combattants, des complaintes aux prisonniers et des odes à la victoire.
Elle a, par ailleurs, décrit en vers la vie quotidienne dans l’Etat islamique comme celle d’une utopie réalisée. Ces vers ont été publiés sur internet, de même que tous les textes des militants. On trouve en ligne des vidéos de groupes récitant leurs poèmes. Certains sont romantiques, d’autres franchement kitch. La poésie est une forme de divertissement communautaire, un art qui se partage, où chacun fait montre de sa technique. Dans les lettres d’Oussama ben Laden, retrouvées dans sa villa après sa mort en 2011, le leader d’Al-Qaïda demande à son interlocuteur de lui trouver des livres sur la prosodie et de le mettre en contact avec des frères versés dans l’art métrique.