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D’où viennent les larmes de crocodile ?


Crédit : Alias 0591

Jane Birkin et Hermès l’assurent tous deux : les conditions de vie et de mort des crocodiles élevés pour fabriquer les sacs au nom de la chanteuse les préoccupent. Larmes de crocodiles ? Peut-être. Mais le crocodile ne pleure pas. Selon l’égyptologue français Sydney Hervé Aufrère, l’expression « verser des larmes de crocodile » fait référence à leurs vagissements. Le reptile se lamenterait ainsi dans le but d’attirer ses proies. Une légende dont l’origine reste obscure. Aufère assure, dans un article publié dans la revue Égypte Nilotique et Méditerranéenne, qu’elle vient de l’Egypte antique. Aucun texte ne l’atteste. Mais les représentations du risque réel pour les petits Égyptiens de se voir dévorer, elles, abondent.

Le crocodile traverse ensuite la Méditerranée. Pour les Grecs, il devient l’archétype de l’être sans pitié. Le premier à utiliser l’expression « larmes de crocodiles » est Elien (175-235). Dans son Histoire des animaux, les bêtes pleurent tandis que les humains les massacrent ; mais ils sont aussi fourbes, tendant des guets-apens à leurs proies pour les dévorer. Deux siècles plus tard, le crocodile accède à la fausse pitié. Asterios le Sophiste, dans son sermon sur le jeûne, incite le chrétien à se comporter comme un crocodile repentant : quand il arrive à la tête, le crocodile s’arrête pour se lamenter sur sa victime.

Au Xe siècle, la même scène est décrite dans le bestiaire symbolique Physiologos. Plus tard encore, on retrouve la trace du crocodile chez Erasme, qui souligne son caractère impitoyable, et chez Michael Apostolius. Dans ses Proverbes, celui-ci accentue la dimension hypocrite de l’expression « larmes de crocodiles » : « S’emploie pour les gens qui désirent la mort de quelqu’un et s’en lamentent pourtant comme il convient. » De là, le crocodile et ses pleurs feront leur chemin de fables en fables, jusqu’aux vitrines d’un grand maroquinier.

LE LIVRE
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Proverbes de Michael Apostolius, Elzevir, 1619

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