Épitaphe pour un père défunt

Acclamé par la critique hispanique à sa sortie, L'oubli que nous serons est un hommage 
du Colombien Héctor Abad à son père assassiné ainsi qu'un réquisitoire contre la terreur politique. Il vient de paraître en France.

Le 25 août 1987, deux tueurs à gages vidaient leurs chargeurs sur le corps effondré d’Héctor Abad, devant les bureaux du Syndicat des professeurs, à Medellín. Abad avait 65 ans. Ce jour-là, le médecin colombien était en costume-cravate. Dans la poche de son pantalon, on trouva un morceau de papier, sur lequel était recopié un sonnet de Jorge Luis Borges, Épitaphe – peut-être apocryphe – dont le premier vers dit : « Nous sommes déjà l’oubli que nous serons. »



Quelques mots pour exprimer la finitude de l’existence humaine, qui ont inspiré le titre de ce roman en forme de Mémoires, de ce livre des souvenirs d’enfance d’Héctor Abad fils, devenu aujourd’hui l’un des plus grands écrivains colombiens.



Il aura fallu vingt ans à l’auteur pour relever le défi personnel de raconter l’histoire de son père, trouver la voix et le ton justes pour transfigurer la réalité crue en une superbe fiction. « L’oubli que nous serons est une biographie, celle du médecin Héctor Abad Gómez, narrée par l’écrivain Héctor Abad Faciolince. La déclaration d’amour d’un fils à son père disparu », résume Ewald Weitzdörfer dans la revue littéraire chilienne Alpha. Mais pas seulement. C’est aussi une chronique délicate et subtile de l’intimité familiale, une plongée saisissante au cœur de la violence colombienne et, ajoute Weitzdörfer, « une radiographie de la classe moyenne de la seconde moitié du XXe siècle, 
à travers la famille d’un professeur de médecine engagé auprès des plus pauvres, de sa femme catholique traditionaliste, de leurs quatre filles et de leur fils – le narrateur ».



Deux morts structurent le roman, celle de la sœur et celle du père. L’une est due à la maladie, l’autre est le fait de la barbarie politique, mais « toutes deux sont décrites avec plus de silences que de mots », relève le Nobel de littérature Mario Vargas Llosa, qui dit dans les pages d’El País toute son admiration pour un livre qu’il qualifie de « chef-d’œuvre ». « Curieusement, cette élégante pudeur démultiplie la tristesse et l’effroi ressentis à la lecture de ces tragédies. Et pourtant, malgré la présence dévastatrice que tiennent dans ces pages la souffrance, la nostalgie et la mort, L’oubli que nous serons n’est pas un livre désespéré. Au contraire, comme il arrive souvent dans les œuvres d’art réussies, c’est un livre dont la beauté formelle, la qualité d’expression, la lucidité, la grâce et la finesse élèvent l’âme. Cet ouvrage montre qu’en dépit des plus viles et cruelles expériences, la sensibilité et l’imagination d’un créateur généreux et inspiré suffisent à prouver que la vie est non seulement douleur­ et frustration, mais aussi plaisir­, amour, tendresse, piété, fraternité et éclats de rire. »


=> Ecouter un extrait de L'oubli que nous serons, lu par Clémentine Jouffroy.

LE LIVRE
LE LIVRE

L’oubli que nous serons de Épitaphe pour un père défunt, Gallimard

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