L’invention de la vie nocturne

Longtemps, les Européens se sont couchés de bonne heure. La nuit était l’affaire des spectres et des sorcières. Les choses changent au XVIIe siècle, d’abord avec les fêtes de l’aristocratie et l’essor des cafés, puis avec l’avènement de l’éclairage urbain. Les lumières avant les Lumières.


En 1710, le journaliste et écrivain irlandais Richard Steele écrit dans le magazine satirique The Tatler (« le babillard ») qu’il a récemment rendu visite à un vieil ami de la campagne tout juste arrivé en ville. Mais celui-ci était déjà couché quand Steele s’est présenté chez lui à 8 heures du soir. Il revient le lendemain matin à 11 heures, pour s’entendre dire que son compère vient de commencer à dîner : « En bref, j’ai découvert que mon ami, vieux jeu, suivait religieusement l’exemple de ses ancêtres et respectait les horaires en usage dans sa famille depuis la Conquête normande. » Au cours de la génération précédente, à travers l’Europe, les élites avaient en effet avancé leur pendule de plusieurs heures. Le temps nocturne n’était plus réservé au sommeil ; il était devenu le moment idéal pour toutes sortes d’activités récréatives et mondaines. C’est ce que Craig Koslofsky appelle la « nocturnisation », c’est-à-dire « l’expansion continue des usages sociaux et symboliques légitimes de la nuit », phénomène qu’il gratifie du statut de « révolution dans l’Europe de la Renaissance ». ...
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L’empire de la nuit de L’invention de la vie nocturne, Cambridge University Press

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