La circonvolution des trépassés

Les femmes de Kulumani connaissent des secrets. Elles savent, par exemple, qu’à l’intérieur du ventre maternel les bébés changent de position à un certain moment. Partout dans le monde, ils tournent sur eux-mêmes, obéissant à une voix unique et tellurique. Il se produit la même chose avec les morts : au cours d’une même nuit – et cela ne peut se produire que cette nuit-là – ils reçoivent l’ordre de se retourner dans le ventre de la terre.

Dieu a déjà été femme. Avant de s’exiler loin de sa création et quand il ne s’appelait pas encore Nungu, l’actuel Seigneur de l’Univers ressemblait à toutes les mères de ce monde. En ce temps-là, nous parlions la même langue des mers, de la terre et des cieux. Mon grand-père dit que ce royaume est mort depuis longtemps. Mais il subsiste, quelque part en nous, le souvenir de cette époque lointaine. Survivent les illusions et les certitudes qui, dans notre village de Kulumani, sont transmises de génération en génération. On sait tous, par exemple, que le ciel n’est pas encore achevé. Ce sont les femmes qui, depuis des millénaires, tissent pas à pas ce voile infini. Quand leurs ventres s’arrondissent, une part de ciel se surajoute. À l’inverse, quand elles perdent un enfant, ce morceau de firmament dépérit à nouveau. Sans doute pour cette raison ma mère, Hanifa Assulua, n’a-t-elle pas cessé de contempler les nuages pendant l’enterrement de sa fille aînée. Ma sœur, Silência, a été la dernière victime des lions qui, depuis quelques semaines, tourmentent ...
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La Confession de la lionne de La circonvolution des trépassés, Métailié

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