La honte de l’Europe

Si les Européens n’ont pas fait entendre leur voix sur la Tchétchénie, c’est qu’ils considèrent ce pays, et même la Russie, comme étant en dehors du continent. Dans ces régions jugées à peine civilisées, tout juste ouvertes à un semblant de démocratie, tout est permis et le Vieux Monde peut tranquillement s’en laver les mains.

Le voici, ce petit bout de notre Vieux Monde, celui où nous nous efforçons de vivre. Une côte très élevée surplombe l’eau noire, lourde, d’un fjord norvégien. Une petite ville douillette s’y étire en hauteur, un chouia insouciante. Elle s’appelle Molde. Ici, point de lacs ou de mers, ici règne l’océan Atlantique. Ici, on peut prendre un bateau et arriver en Amérique, et cela donne la sensation illusoire que toute la planète est à portée de main. Dans ma patrie, rares sont ceux qui soupçonnent l’existence de Molde. J’en suis certaine. Cependant… Ce n’est pas si simple. Car il y a ici des gens dont le sort s’est trouvé entièrement lié à la Russie et à ce qui s’y passe. Le cimetière de la ville se trouve en haut de la côte. Il est bien entretenu, calme et triste. J’y éprouve un certain malaise, comme dans tout cimetière où la vie et la mort se croisent pour l’éternité, sans détour, où seule une pierre tombale garde le souvenir d’une âme humaine, jadis ardente et ...
LE LIVRE
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Qu’ai-je fait ? de Anna Politkovskaïa, Buchet-Chastel, 2009

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