La leçon des Sans de Namibie
Publié le 3 octobre 2017. Par Jean-Louis de Montesquiou.
Keynes l’avait prédit : nous allons vers un âge de « béatitude économique » où l’on ne travaillera plus que 15 heures par semaine. L’avenir ne lui a pas (encore) donné raison – mais le passé, si. Avant la « révolution néolithique » d’il y a 10 000 ans et l’apparition de l’agriculture et de l’élevage, les chasseurs-cueilleurs parvenaient à se nourrir très convenablement moyennant 10 à 15 heures de labeur hebdomadaire. On le sait grâce à l’observation de leurs derniers descendants, les Bushmen de Namibie, les Sans, que James Suzman a étudié de très près.
Ces ancêtres de l’humanité, dont la présence en Afrique est attestée depuis plus de 150 000 ans, ne sont plus que quelques milliers, relégués au plus bas de l’échelle sociale dans les déserts du Kalahari et d’Omaheke. Pourtant, leur style de vie porte encore témoignage d’une époque où l’on se contente de pourvoir à ce que Keynes appelait les « besoins absolus », en ignorant « les besoins relatifs » et leurs cortège de conséquences funestes : compétition, jalousie, conflits. Au sein de leurs petits groupes familiaux les Sans font primer l’intérêt collectif, l’égalité (y compris entre sexes), la socialisation tranquille. Ils fument de la marijuana, mais uniquement quand leur descendance est déjà assurée. Ils ne se préoccupent pas du futur, car la nature est toujours généreuse, même pendant les sécheresses. Chez eux, pas de « valeur travail » ni de « main invisible » du marché. Dans un entretien au New York Times, l’auteur ne cache pas son admiration pour ce petit peuple dont le modèle de société est, selon lui, « le plus réussi de l’histoire de l’humanité ».
A lire dans Books : Et la parole fut, avril 2017.