Publié dans le magazine Books n° 62, février 2015. Par Tiziano Terzani.
Que fait un journaliste amoureux de l’Asie et de ses traditions, initié à la méditation, quand il apprend qu’un cancer est en train de le détruire ? Il s’en remet à l’excellence des médecins d’un hôpital new-yorkais. Mais, tout en dénonçant certaines chimères des médecines alternatives, il confie le sentiment de révolte que lui inspire une science qui traite les maladies plus que le malade.
Souvent, alors que je me trouvais
[à New York] avec mes médecins du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (MSKCC), tous spécialistes, tous bons, fruits d’une sévère sélection qui menait là les meilleurs au monde dans chaque discipline, je pensais au docteur Macchioni, celui qui venait à la maison quand, petit, je tombais malade : le médecin de famille.
Ma mère, en l’attendant, disposait une bassine pleine d’eau sur une chaise, un savon neuf dans une petite assiette et une serviette fraîche et parfumée sur le dossier. Il arrivait, élégant, avec ses lunettes cerclées d’or, il posait sur le lit sa petite valise en cuir, il se faisait raconter les dernières nouvelles, il appliquait son stéthoscope en bois sur ma poitrine et sur mon dos, il me faisait respirer profondément, dire « trente-trois », il me regardait dans les yeux, il me demandait de tirer la langue, il comptait les battements de mon cœur, il se lavait les mains puis, tout en se les essuyant soigneusement, doigt après doigt, il donnait son diagnostic. Pour moi qui étais un enfant, il y avait quelque chose de ...