Roland Barthes l’avait proclamé : il ne faut pas considérer le texte littéraire comme « une ligne de mots, dégageant un sens unique, en quelque sorte théologique, [mais comme] un espace à dimensions multiples, où se marient et se contestent des écritures variées, dont aucune n’est originelle (1) ». Donc exit l’auteur. Et Internet n’y est pour rien, avec un alibi impeccable : quand Barthes, Foucault ou McLuhan faisaient ce constat, le Web n’existait pas encore.
À peine née, toutefois, la Toile s’est emparée de la littérature comme du reste, et l’a quelque peu bousculée. En numérisant les œuvres de fiction, on les rend « déconstructibles » à merci. N’étant plus enfermé dans un livre compact, hermétique, intangible, chaque texte digital se retrouve relié par des liens « hypertextes » à tous les autres, accessible à tout un chacun, potentiellement modifiable. Il peut être débité en « snippets », comme on dit, en petites bribes décomposables et recomposables à l’envi. La perspective consternait John Updike : « Scénario affreux… ça nous ramène à la préhistoire… Les auteurs ne seront plus que des mères porteuses, des entrailles dont le fruit sera jeté braillant sur ...