Publié dans le magazine Books n° 43, mai 2013.
Nous sommes les spécialistes incontestés de la passion. Ce vieux fantasme à la peau dure vient de la littérature : les écrivains français ont créé un breuvage qui a enivré la terre entière. Mais c’était hier…
Les Anglo-Saxons, que l’on se gardera bien de détromper, croient mordicus que la France est le royaume de l’amour. La langue anglaise porte d’ailleurs la trace de cette conviction : « Nous autres anglophones, écrit Renate Stendhal (
sic) dans la
Los Angeles Review of Books, nous nous tournons volontiers vers le français pour exprimer les choses de l’amour. Pour les baisers avec la langue, “French kiss” ; et pour l’intimité façon française nous utilisons “rendez-vous”, “tête-à-tête”, “ménage à trois”, etc. »
L’universitaire Marilyn Yalom a soulevé la couette pour surprendre les secrets de cette flatteuse réputation. Mais cette octogénaire proprette ne peut être taxée de voyeurisme : l’amour qu’elle examine, les yeux écarquillés, c’est celui que dépeint notre littérature. Elle puise dans ce riche matériau de quoi étayer toutes ses théories. À commencer par celle-ci : « Quelque chose de nouveau dans l’histoire de l’amour est apparu en France vers 1100, une explosion culturelle proclamant le droit des amants à donner libre cours à leur passion, en dépit des objections de la société et de la religion. » Le point ...