Le cœur du mystère

À propos de ce dossier sur les serial killers, un ami anglais de Books, bon connaisseur du monde des grands criminels, nous a simplement envoyé ce mot : « Pour moi, l’existence des tueurs en série pose de manière particulièrement aiguë la question de savoir si l’on est en droit de dire ou de se dire, au terme de l’analyse : “Ça y est, maintenant je comprends, je tiens l’explication.” » Et de citer Hamlet, quand celui-ci, après avoir obligé Guildenstern à reconnaître son incapacité de sortir la moindre harmonie des trous d’une flûte, lui assène : « Why look you know, how unworthy a thing you made of me ! You would play upon me ; you would seem to know my stops ; you would pluck out the heart of my mystery… » (« Eh bien ! Vois maintenant le peu de cas que tu fais de moi. Tu veux jouer de moi, tu veux avoir l’air de connaître mes trous ; tu veux arracher le cœur de mon mystère, depuis la note la plus basse jusqu’au sommet de la gamme. Et pourtant, ce petit instrument qui est plein de musique, qui a une voix admirable, tu ne sais pas le faire parler. Sang-dieu ! Crois-tu qu’il soit plus aisé de jouer de moi que d’une flûte ? Prends-moi pour l’instrument que tu veux, tu pourras me froisser, tu ne sauras jamais jouer de moi. ») Dans sa prison de haute sécurité dans le Yorkshire, le tueur en série Dennis Nilsen note pour sa part : « Quand on est piégé par son “dialogue intérieur” avec soi-même on ne peut que faire des conjectures sur les sentiments réels de ces “autres” qui sont en dehors de vous-même. Aussi projette-t-on ses propres sentiments sur eux pour remplir le vide. Nous avons créé une réponse émotionnelle à l’intérieur de nous et pour nous et ainsi la créons dans et “pour” les autres. » Il dit aussi : « Les actions de l’homme et ses contradictions […] vont continuer à échapper à la rigueur de la science exacte. » C’est son regard qui illustre la couverture de ce numéro, saisi par un photographe par la fente d’un fourgon.  

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