Le coût d’un hamburger

C’est la deuxième fois que Books met le mot « scandale » en couverture. La première, c’était à propos de l’industrie pharmaceutique. Le mot « scandale », rappelions-nous, vient du grec skandalon, piège. Il désigne aujourd’hui le spectacle de l’erreur morale et l’émotion produite par ce spectacle. Quand on parle sans plus de précision du scandale de la viande, c’est d’abord le sort parfois fait aux animaux de boucherie qui vient à l’esprit. Nous avons déjà traité le sujet, dans un dossier intitulé « Faut-il manger les animaux ? ». Cette fois il s’agit d’autre chose : la ponction exercée sur la planète par l’industrie de la viande. Une manière apparemment simple d’en prendre conscience est de s’interroger sur les coûts cachés d’un hamburger. Pour l’économiste Raj Patel, auteur d’un livre à charge sur l’alimentation mondiale, son coût réel serait voisin de 200 dollars. Dans un ouvrage paru l’année dernière sur le consumérisme en Asie, son collègue Chandran Nair soutient que l’on devrait en fixer le prix à 100 dollars, pour éviter un désastre mondial. Patel et Nair sont des écologistes militants, et leurs estimations sont à prendre avec précaution. Mais l’argument de base est sérieux. Dopée par la demande asiatique, la consommation de viande, tous animaux confondus, avoisine déjà les 300 millions de tonnes par an. Nous abattons chaque année près de 58 milliards de poulets, 2,8 milliards de canards, 1,4 milliard de cochons et 320 000 bovins. Le coût pour l’environnement se mesure en millions d’hectares de forêt détruits et de terres agricoles reconverties pour les cultures destinées à l’alimentation animale, en milliards de litres d’eau douce (il faut 15 000 litres d’eau pour produire un kilo de viande de bœuf), en millions de tonnes de poisson, en dizaines de milliards de kilomètres carrés d’eau de mer polluée, en production de gaz à effet de serre (15 % du total), en dizaines de milliers de victimes de bactéries résistant aux antibiotiques ; et ainsi de suite. Attention aux faux semblants, cependant : ces chiffres masquent une grande hétérogénéité au plan local. Et paradoxalement, l’élevage traditionnel dans les pays pauvres, qui représente encore une large partie de la production mondiale, est à certains égards beaucoup plus nocif pour l’environnement que l’élevage industriel.    

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