Le journal d’un anarchiste
Publié dans le magazine Books n° 26, octobre 2011.
Erich Mühsam est le plus célèbre des anarchistes allemands. Peut-être parce que le militantisme politique ne fut qu’un aspect parmi beaucoup d’autres de l’existence riche et mouvementée de ce poète, dramaturge, agitateur, érotomane et féministe. « Les coups ont marqué le début et la fin de sa vie. Les premiers, il les reçut d’un père despotique. Les derniers lui furent administrés en juillet 1934 par les SS du camp de concentration d’Oranienburg », rapporte Volker Hage dans le Spiegel.
Erich Mühsam est le plus célèbre des anarchistes allemands. Peut-être parce que le militantisme politique ne fut qu’un aspect parmi beaucoup d’autres de l’existence riche et mouvementée de ce poète, dramaturge, agitateur, érotomane et féministe. « Les coups ont marqué le début et la fin de sa vie. Les premiers, il les reçut d’un père despotique. Les derniers lui furent administrés en juillet 1934 par les SS du camp de concentration d’Oranienburg », rapporte Volker Hage dans le Spiegel. Né en 1878, Mühsam fut une figure proéminente de la république des conseils, qui, l’espace de quelques semaines en 1919, tenta d’instaurer le socialisme en Bavière. Ni ses poèmes ni ses pièces ne lui valurent jamais aucune reconnaissance littéraire. Son chef-d’œuvre, c’est le journal qu’il tint à partir de 1910 et dont un petit éditeur allemand vient d’entreprendre la première publication complète (en quinze volumes !). Mühsam y livre un portrait sans concession de lui-même et du milieu bohème de Munich. « Un journal passionnant qui rivalise avec les plus importants du XXe siècle et était jusqu’ici resté passablement inconnu », juge Hage.
Le destin rocambolesque du texte est digne de celui de son auteur. Après l’assassinat de Müsham par les nazis, Kreszentia Elfinger, sa veuve, emporte le précieux manuscrit à Moscou. Mal lui en prend : les autorités soviétiques le confisquent et elle se retrouve au goulag. Il faut dire que certains passages égratignent les « pantins marxistes de Moscou ». Après la mort de Staline, Elfinger, qui vit désormais à Berlin-Est, tente d’en obtenir au moins une copie. Mais celle qui est réalisée sur microfilm est confiée aux apparatchiks du parti socialiste est-allemand, qui la tiennent à l’abri des regards pendant encore deux décennies. Jusqu’à la parution en 1978 d’une édition très lacunaire.