Le roman qui a déclenché le divorce
Publié le 8 décembre 2017. Par La rédaction de Books.
Un divorce de renommée internationale, Samuel Ehrhart/ Library of Congress
Londres et Bruxelles sont parvenus vendredi à un accord sur les grandes lignes du Brexit. Le Royaume-Uni sait à quel point il est compliqué de divorcer. Jusqu’en 1937, le seul moyen pour un Britannique de se séparer légalement de son épouse était de prouver qu’elle était adultère. La femme, elle, devait non seulement démontrer l’infidélité de son mari mais une faute supplémentaire comme l’inceste, la sodomie ou la violence. La littérature a joué un rôle de catalyseur dans la réforme de cette loi, rappelle le professeur de droit Stephen Michael Cretney dans Family Law in the Twentieth Century. En 1934, deux romans dénoncent les mensonges auxquels en sont réduits les couples souhaitant divorcer d’un commun accord: A Handful of Dust d’Evelyn Waugh et Holy Deadlock d’A. P. Herbert.
Le second surtout, écrit sur un ton satirique et conçu clairement comme un pamphlet, a déclenché une polémique. Herbert y décrit deux jeunes gens qui très vite après leur mariage se rendent compte qu’ils ne sont pas fait l’un pour l’autre. L’époux se résout à se « comporter en gentlemen », c’est-à-dire à organiser un « divorce d’hôtel », un faux adultère sur lequel son épouse pourra s’appuyer pour demander le divorce. Il y parvient après de multiples péripéties mais, entre temps, sa femme s’est fait surprendre avec son nouveau fiancé. Or la loi considère le divorce comme un recours de l’innocent face au coupable. Les juges, dans le roman comme dans la réalité, refusent d’accorder la séparation au motif que les deux époux ont fauté. A la fin du livre, les héros sont toujours mariés et malheureux.
Herbert vend 90 000 exemplaires de son roman. Un député le brandit au parlement pour souligner l’absurdité d’une loi qui pousse des citoyens honnêtes au délit et à la parjure. En 1935, Herbert se fait élire à la chambre des communes et suggère que les violences ou l’abandon de domicile, entre autres, permettent d’obtenir le divorce. Deux ans plus tard, avec l’appui d’autres membres du parlement, il réussit à faire voter ses propositions. Si les termes ont changé (la « cruauté » ou les violences de 1937 sont devenues des « comportements déraisonnables ») le Matrimonial Causes Act reste au fondement de la législation actuelle du divorce au Royaume-Uni.
A lire dans Books : Les dix ans qui ont fait basculé l’Europe, mai/juin 2017.