Publié dans le magazine Books n° 26, octobre 2011. Par Alex Kotlowitz.
Pendant quarante ans, une gouvernante solitaire et secrète a parcouru les rues de New York et de Chicago, son appareil photo en bandoulière. Ses négatifs, découverts par hasard dans une vente aux enchères, révèlent l’incroyable talent de cette artiste inconnue.
Il est impossible de prendre la mesure des photographies de Vivian Maier sans considérer son histoire. Tout indique qu’elle était extrêmement secrète, en femme qui n’appréciait pas toujours la compagnie des autres. Ses photographies semblent pourtant une ode aux gens ordinaires, à ceux que Studs Terkel, le chantre de l’histoire orale, aimait appeler « les etceteras » du monde. (Un spécialiste de la photographie confie que Terkel et Maier auraient formé un couple formidable.) Ses sujets sont souvent pris sur le vif alors qu’ils regardent directement l’objectif, comme en contact visuel avec Maier, mais elle utilisait un Rolleiflex, appareil qui oblige le photographe à baisser les yeux pour regarder à travers le viseur. En d’autres termes, Maier n’avait pas besoin d’établir un rapport direct avec ceux qu’elle photographiait, et bon nombre d’entre eux ne se doutaient sans doute pas qu’elle les immortalisait. Mais commençons par le commencement.
À l’hiver 2007, John Maloof, 26 ans, un agent immobilier qui préparait un livre sur Portage Park, le quartier de Chicago où il vit, tomba sur une boîte de négatifs lors d’une vente aux enchères. Il la paya 400 ...