Les petits marchands de prose de Bombay

Dans la capitale du sud de l’Inde, il est plus facile de trouver des livres contrefaits que des librairies. Et la situation est admise par tous. Pour les écrivains, c’est affaire de popularité. Pour Yacoub et les autres enfants des rues, c’est une affaire de survie.

Au moment où les feux passent au rouge, au carrefour d’Haji Ali à Bombay, le garçon affalé contre le garde-fou se redresse prestement. Yacoub Sheikh n’a que 12 ans, mais il sait qu’il a quarante-cinq secondes seulement pour gagner un peu d’argent. Brandissant sa marchandise, il se précipite sur une BMW noire et sa voix éraillée de préado s’adresse à la femme à l’intérieur : « Cinquante nuances de Grey ? » Bombay s’est longtemps enorgueillie de sa tradition littéraire – les bibliothèques, les revues et autres sociétés de poésie prospéraient ; les livres étrangers, aussi difficiles à trouver et hors de prix fussent-ils, faisaient fureur. C’est dans ce paysage économique défini par la rareté que les pirates de livres ont fait leur entrée, aux alentours des années 1970. À l’origine, ces entrepreneurs littéraires ne produisaient guère que des exemplaires chichement reliés, dont les pages se détachaient quand elles ne manquaient pas. Les romans populaires se vendaient bien, tout comme les livres de recettes américains et les ouvrages de couture asiatiques. Il fallut attendre les années 1990 pour voir pirater les bestsellers ; aujourd’hui, ce ...
LE LIVRE
LE LIVRE

Cinquante nuances de Grey de Erika Leonard James, JC Lattès, 2012

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