Publié dans le magazine Books n° 75, avril 2016. Par Cathy Newmann.
Membre de la super-élite américaine, Anne-Marie Slaughter a décidé de quitter son poste de très haut niveau pour s’occuper de ses garçons. Elle tire de cette expérience mal vécue un livre à charge sur l’organisation du travail, qui empêche les mères de concilier carrière et vie de famille. Mais, sans le vouloir, elle révèle aussi à quel point les femmes sont victimes de leur propre idéal de la « bonne mère ».
Je me souviens encore de l’angoisse qui m’étreignait, la veille de mon premier déjeuner avec Tony Blair
[Cathy Newman est une célèbre journaliste politique britannique], alors que je me creusais la tête pour choisir quelle serait ma première question. Quelque chose sur l’Irak ? Ou bien un sujet plus périphérique, histoire de détendre l’atmosphère ; ses enfants, par exemple, ou encore ses goûts en matière de musique pop ? En fait, j’ai débarqué au 10 Downing Street juste à temps pour demander à ses assistants le chemin des toilettes avant qu’il ne m’arrive un malheur.
Le virus de la gastro avait envahi notre maisonnée. J’avais passé la soirée précédente à consoler ma fille tout en gavant de draps la machine à laver. Mon mari s’était déclaré trop malade pour faire quoi que ce soit d’autre que rester couché en boule par terre. Au moment de partir pour mon entretien, je me sentais fatiguée mais pas nauséeuse ; j’étais nettement moins en forme à mon arrivée. J’aurais sans doute mieux fait d’appeler pour décommander. Mais ...