L’étrange puissance des théories du complot

« Pourquoi des personnes intelligentes croient-elles des choses stupides ? », interroge David Aaronovitch dans une interview au site Salon. Le journaliste britannique a décidé de faire un livre de cette question, après avoir passé « un long trajet en voiture » à écouter un compagnon de route lui démontrer par A+B que l’homme ne pouvait pas avoir marché sur la Lune.

« Pourquoi des personnes intelligentes croient-elles des choses stupides ? », interroge David Aaronovitch dans une interview au site Salon. Le journaliste britannique a décidé de faire un livre de cette question, après avoir passé « un long trajet en voiture » à écouter un compagnon de route lui démontrer par A+B que l’homme ne pouvait pas avoir marché sur la Lune. Alors, pourquoi ? Pour Aaronovitch, les adeptes des théories du complot cherchent dans la plupart des cas à compliquer une réalité simple, mais inacceptable à leurs yeux. Par exemple, « après l’assassinat de Kennedy, beaucoup ne supportaient pas l’idée de vivre dans un pays où un tireur isolé pouvait tuer un président ». D’où l’émergence d’hypothèses alambiquées. D’autres ne croient pas qu’un avion se soit écrasé sur le Pentagone le 11 septembre 2001. Ce qui amuse Aaranovicth : il est toujours possible que « des débris aient été disposés immédiatement après le supposé crash et que les occupants bien réels du vol disparu aient été emmenés vers un lieu inconnu, où ils furent soit massacrés, soit placés sous le plus mystérieux des programmes de protection de témoins », ironise-t-il. De fait, « les théoriciens du complot préfèrent s’emberlificoter dans des nœuds compliqués plutôt que d’accepter une explication plus évidente », souligne Michiko Kakutani dans le New York Times. La production de ces hypothèses embrouillées serait la réaction paradoxale d’individus angoissés par leur confrontation à un monde trop complexe. Elles fleurissent dans les périodes de grand bouleversement, d’incertitude et de tensions économiques. À l’heure de la mondialisation, « les gens sont tentés de croire qu’il existe un grand dessein, car l’idée d’un monde naturellement chaotique les effraie », explique encore Aaronovitch. Il souligne aussi que les théories de la conspiration, souvent « formulées par les vaincus politiques », sont en général reprises par les « vaincus sociaux » : Russes blancs défaits par les bolcheviques, ou encore petits-bourgeois patriotes allemands de l’entre-deux-guerres, qui firent leur miel des célèbres Protocoles des Sages de Sion. Une galerie aujourd’hui complétée, estime Kakutani, par les « nativistes » qui réfutent la nationalité américaine d’Obama.   Lire aussi : Hystérie masculine, Books, septembre 2009.
LE LIVRE
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Histoires vaudoues. Le rôle de la théorie du complot dans la formation de l’histoire moderne de L’étrange puissance des théories du complot, Jonathan Cape

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