Tout bien réfléchi
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L’exclusion, une affaire de voisinage


Chicago Ghetto, John H. White, (NARA )

Le quartier où l’on vit, et surtout celui où l’on grandit, a une influence considérable sur l’avenir que l’on a. Le sociologue William Julius Wilson l’avait montré dès 1987, dans The Truly Disadvantaged. Le fait de vivre dans un quartier ghettoïsé ajoute d’autres handicaps à celui que constitue déjà la faiblesse des revenus : familles déstructurées, logements insalubres, chômage récurrent. Ses travaux ont incité la municipalité de Chicago à lancer un vaste programme social de relogement dans les années 1990, permettant aux ménages pauvres de déménager dans un voisinage plus prospère. Le bilan de l’expérience est nuancé. Les membres de ces familles sont en meilleure santé (moins de diabète, d’obésité ou de dépression) et se disent beaucoup plus heureux. Mais le niveau de rémunération, le taux de chômage et les résultats scolaires n’ont pas évolué. Notamment parce que le simple fait d’avoir vécu dans un ghetto nuit aux compétences verbales des enfants, souligne Robert J. Sampson dans Great American City, et que cet effet persiste après le changement d’environnement. Ce handicap représente l’équivalent d’une année scolaire de retard. Les voisinages défavorisés sont donc des pièges à pauvreté, dont l’impact peut se faire sentir sur plusieurs générations, ajoute Patrick Sharkey dans Stuck in Place. Ainsi les principes d’éducation des mères sont affectés par leur voisinage, mais aussi par celui dans lequel leurs propres mères ont été élevées. Un enfant qui a grandi dans un quartier difficile aura des résultats scolaires d’autant plus médiocres que ses parents sont issus du même genre d’environnement. Le ghetto, comme la pauvreté, est un héritage, soutient Sharkey. « Plus de 70% des Afro-Américains qui vivent dans les quartiers les plus pauvres et les plus racialement marqués d’aujourd’hui viennent de familles qui vivaient dans les ghettos des années 1970. »

 

Lire aussi : Les pauvres, ce marché très lucratif, Books, en kiosque.

LE LIVRE
LE LIVRE

Great American City : Chicago and the Enduring Neighborhood Effect de Robert J. Sampson, University of Chicago Press, 2012

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