La chaise du père

La première chose que mon père faisait en voyant un rideau qui obstruait les rayons du soleil, c’était de le tirer. Le matin envahissait le salon, les couloirs, les chambres. La lumière butait contre le rideau replié, chassait la pénombre des recoins réchauffés par une luminosité rougeoyante de fruit frais.

La table est dressée, impeccable, paisible. Personne ne s’est assis pour l’instant et cela prendra encore un peu de temps avant que quelqu’un ne s’assoie et ne se serve. Mais le moment est venu de s’asseoir ensemble à nouveau, et de manger ensemble, et d’avancer. La maison continue à tourner. Les épiceries et les estaminets continuent à tourner. Les factures, les dépenses. Cela fait deux jours déjà que personne ne pleure plus. Lorsque je traverse le salon, le soir, la lumière de la chambre de ma mère est éteinte. Silence. Elle dort, tout le monde dort. Dans la maison sans mon père, sans l’odeur de la pipe, sans les pantoufles en désordre, sans le journal éparpillé, tout le monde dort. De la porte de la cuisine, je vois la table, elle est copieusement garnie. Le pain n’y manque pas, la viande rôtie au centre, le plat de riz. C’est le déjeuner et c’est dimanche. La pièce de viande est d’un seul tenant, comme mon père l’aimait. La trancher, la couper, puis la servir. Mon père aimait qu’une fois ...

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