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Londres : le jour où le Parlement a brûlé


The Burning of the Houses of Parliament, J.M.W. Turner

En ne désignant pas une majorité claire, les électeurs britanniques ont mis le feu au Parlement. Métaphoriquement, évidemment. Littéralement, il a été réduit en cendres le soir du 16 octobre 1834. Des dizaines de milliers de Londoniens (la foule était si grande, notamment sur le fleuve, qu’on pouvait traverser la Tamise à pied de bateau en bateau) assistèrent à ce gigantesque incendie, immortalisé par le peintre Turner et qualifié le lendemain de catastrophe nationale par The Times. Cet événement est pourtant souvent méconnu. Et la faute en incombe au nouveau siège du Parlement devenu iconique dans le Londres d’aujourd’hui, souligne l’archiviste Caroline Shenton dans The Day Parliament Burned Down.

Au XIXe siècle, Westminster formait un assemblage de bâtiments dépareillés laissant entrevoir à la fois l’histoire du site (résidence royale dès le XIe siècle, et peut-être avant) et les tentatives modernes pour en faire un centre de gouvernement fonctionnel. Les parlementaires se réunissaient depuis des siècles dans la chapelle St. Stephen, devenue trop petite pour les contenir tous. Certains devaient attendre à l’extérieur leur tour pour voter. La chapelle fut détruite dans cet incendie accidentel, tout comme la chambre peinte, une merveille de l’Europe médiévale, ainsi que nombre de documents historiques. Les soldats du feu concentrèrent leurs efforts, avec succès, sur le grand hall et son magnifique toit à blochet du XIVe siècle.

Avec le Parlement c’est un ordre ancien qui brûla, souligne Shenton. Les Britanniques, y compris le roi, ne pleurèrent pas. Beaucoup virent dans l’incendie un jugement divin après l’adoption d’une réforme controversée du système électoral en 1832 ; d’autres se réjouirent pensant que l’impopulaire loi instituant les workhouse (des hospices où les indigents étaient obligés de travailler) avait brûlé pour de bon. Dans les mois qui suivirent, le service de lutte contre les incendies fut réorganisé et la reconstruction du parlement suscita un vaste débat architectural. Politiquement, c’est le roi qui signa l’acte final en décidant de dissoudre le Parlement. Ce sera la dernière fois qu’un souverain britannique défiera les élus. Aucun de ses successeurs n’exercera plus cette prérogative.

LE LIVRE
LE LIVRE

The Day Parliament Burned Down de Caroline Shenton, Oxford University Press, 2013

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