Métaphore

Dans un livre consacré aux « décisions absurdes », Christian Morel rappelait la principale raison de l’accident de la navette Challenger. Certains joints ne résistaient pas au gel. Ce n’était pas grave parce que Cap Canaveral est en Floride. Or il ne gèle pas en Floride. Du moins les ingénieurs s’en étaient-ils persuadés. Le problème, c’est qu’il gèle parfois en Floride. Et ce jour-là, il a gelé… La catastrophe du 11 mars 2011 au Japon relève de ce type d’aberration, mais à une autre échelle. Ainsi des villes entières ont été construites en dessous du niveau atteint par d’autres raz de marée dans le passé, niveau dûment indiqué par de sages ancêtres au moyen de pierres dressées. Partout sur la planète, chacun sait qu’il ne faut pas construire en zone inondable, à moins de les protéger efficacement, comme l’ont fait les Hollandais. Mais, partout, on observe des habitations dans des zones inondables, y compris en France. En cause : l’argent et la négligence. Tout le monde sait aussi qu’il ne faut pas bâtir d’installations dangereuses dans des zones à risques. Les responsables qui ont construit la centrale de Fukushima le savaient parfaitement, de même que le gouvernement japonais et la plupart des gens. Il y a mieux : l’entreprise qui gérait la centrale n’avait pas conçu de plan d’action en cas d’accident dû à un tsunami ou à un séisme de grande amplitude. Les autorités nucléaires ne s’en étaient pas non plus souciées. Quand l’événement s’est produit, les responsables ont été complètement pris au dépourvu. En cause, là aussi : l’argent et la négligence. Dans son livre Effondrement, Jared Diamond donnait des exemples de sociétés qui se sont ou non laissé prendre au dépourvu par la transformation de l’environnement, transformation parfois induite par la nature, parfois par l’homme, parfois par les deux. Il proposait au lecteur une expérience de pensée : extrapolons à l’ensemble de la planète. Ne sommes-nous pas en train de reproduire à l’échelle de la Terre le type d’erreur que nous savons si bien commettre localement ? En suivant ce fil, on peut se demander à bon droit si la catastrophe survenue au Japon ne pourrait pas être vue comme une métaphore du monde à venir.  

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