Nina Simone et son double

Il y avait deux Nina Simone : d’un côté, la diva rebelle, icône du mouvement des droits civiques, amie des écrivains James Baldwin et Langston Hughes. De l’autre, la femme bipolaire et soumise, épouse d’un homme (Andrew Stroud) qui la battit le soir de leurs fiançailles avant de l’attacher à un lit pour la violer (Simone et Stroud allaient rester mariés plus de dix ans). Les témoignages, lettres et journaux intimes qu’a pu consulter Alan Light lui permettent, selon le Telegraph, de « trouver un chemin honorablement cohérent à travers le triste et déroutant embrouillamini que fut la vie de Nina Simone ». Grand admirateur de l’artiste, Light prend soin de ne pas laisser la fascination prendre le pas sur la rigueur journalistique. Il examine par exemple la légende selon laquelle la jeune Nina – qui s’appelait encore Eunice Kathleen Waymon – aurait été refusée au Curtis Institute of Music, une prestigieuse école de Philadelphie, au motif qu’elle était noire. « Avec un taux d’admission de 5 %, la sélection était rude pour tout le monde », souligne l’auteur, rappelant que l’établissement avait déjà accepté des étudiants noirs. Il est selon lui plus probable que la future reine du jazz n’avait pas à l’époque le niveau requis pour intégrer l’établissement. Light n’épargne pas non plus Simone lorsqu’il décrit sa déchéance dans les années 1970 : la drogue, les crises psychotiques, la violence morale qu’elle infligeait à sa fille, ses aventures pathétiques avec des hommes qui l’humiliaient. Pour la New York Review of Books, loin de minimiser son courage politique et son talent, les détails de cette biographie n’en rendent « que plus ahurissant ce que Nina Simone est parvenue à accomplir ».
LE LIVRE
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Que s’est-il passé, Mlle Simone ? Une biographie de Alan Light, Crown Archetype, 2016

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