L’horreur contre la guerre

Entre les deux conflits mondiaux, l’antimilitariste allemand Ernst Friedrich a voulu faire la guerre à la guerre. Son armée ? Les femmes et les enfants. C’est à eux qu’il entend inculquer le culte de la paix. Et pour cela, il conçoit une méthode particulièrement brutale et violente, toute entière contenue dans son ouvrage Guerre à la guerre !, publié en 1924. Les premières pages montrent des images « innocentes » : soldats de plomb, canons de papier, manuels scolaires, livres de contes. Puis viennent plus d’une centaine de photographies insoutenables des pires atrocités de la guerre, des amoncellements de cadavres en putréfaction aux portraits de « gueules cassées ».  Le lecteur est invité à faire le lien entre l’éducation belliciste reçue, dont témoignent les premières pages, et les horreurs de la guerre, présentées comme sa conséquence.

Par cette pédagogie de l’effroi, Friedrich cherche à « cultiver » le dégoût de la guerre chez les enfants, mais aussi chez les femmes. Il avertit ainsi que « la mère qui chante des chansons de soldats à l’enfant assis sur ses genoux prépare la guerre » . En regard d’une comptine militariste intitulée La Chanson de l’épée, il propose une description des plus crues : « En bon allemand : un long morceau d’acier finement affûté pourvu des deux côtés d’une pointe et d’une longue rigole de sang. Et on a “besoin” de cette épée pour transpercer les corps humains et déchirer les cerveaux humains ! La longue rigole de sang sert à ce que, après avoir vite retiré “l’épée”, la blessure dans la poitrine de l’homme ainsi poignardé reste ouverte afin que le sang de l’être humain mourant puisse s’écouler lentement. » Il va même plus loin en renversant les rôles. La femme est coupable dans la guerre. C’est elle qui n’a pas protégé l’homme et qui l’a laissé partir se sacrifier au front.