Oh, no !

Les Français ont de la chance. Chez nous, les cartels de la drogue ne semblent exercer une réelle influence qu’au plan local (Corse, Marseille…). S’ils nous concernent vaguement, c’est parce qu’ils approvisionnent le marché de la toxicomanie. Mais à en juger par les débats publics et les mesures prises, notre seul souci est d’affiner les moyens de venir en aide aux drogués – au risque d’ailleurs d’en faire un peu trop, comme un article de Books le signalait récemment (n° 33, juin 2012). Si nous abordons (bien timidement) la question de la dépénalisation de l’usage et (bien plus timidement) celle de la légalisation, c’est toujours en pensant d’abord au consommateur, considéré comme le centre du problème (sanitaire et sécuritaire). C’est aussi la position des autres États européens et des États-Unis. Tout le monde semble d’accord ou presque. C’était aussi, il n’y a pas si longtemps, la position des États latino-américains. Ce ne l’est plus. Au sommet américain de Carthagène, en Colombie, en avril dernier, plusieurs chefs d’État ont défendu devant Barack Obama un point de vue qui a fortement déplu à l’administration américaine. En substance, leur discours consiste à dire : « Nos États sont gangrenés par les cartels. Ils nous sucent le sang. La “guerre contre la drogue” engagée à votre demande et avec votre appui est un échec sur toute la ligne. La seule solution sérieusement envisageable pour tenter de sortir de cet enfer, c’est d’aller dans le sens de la dépénalisation de l’usage, ainsi que de la légalisation et de l’encadrement de la production et du marché. » Oh, no ! fut la réponse. Car, dans cette matière comme dans bien d’autres, la continuité entre les administrations Bush et Obama est parfaite. Résultat : de même qu’en Afghanistan, les cartels jouent gagnant sur le long terme, à peu près à coup sûr. Sait-on que le Mexique est devenu, cerise sur le gâteau, le principal producteur mondial de méthamphétamine ? Quand on focalise le regard sur les toxicomanes, une évolution vers la légalisation peut sembler absurde ou dangereuse. Quand on élargit l’analyse à la santé des États, c’est beaucoup moins sûr.    

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