Sur le ring des sexes

En tant que mâle, j’ai quelque peine à endosser l’idée de la « fin des hommes », titre d’un livre récent écrit par une femme. Je garde en mémoire l’excellent ouvrage du sociologue Steven Goldberg, intitulé Why Men Rule (« Pourquoi les hommes dirigent »), non traduit parce que trop corrosif pour les éditeurs français. C’était une belle démonstration des raisons (au sens fort du terme) de la domination masculine. La testostérone et tutti quanti. À sa manière très politiquement incorrecte, Goldberg rejoignait (c’était en 1993) le point de vue de Simone de Beauvoir et de Françoise Héritier : la domination masculine, en tous temps et partout. Et encore maintenant ? Oui, certes, à bien des égards. Nonobstant Margaret Thatcher et Angela Merkel, les mâles continuent de gouverner le monde. Ce n’est que trop évident. Et cependant… Cependant, il se passe quelque chose de sérieux sur le ring des sexes. Les statistiques ont beau être de « damned lies », de sacrés mensonges, disait Disraeli, il faut le reconnaître : ça bouge, et ça bouge sacrément. Dans les grandes villes américaines, les femmes de moins de 30 ans, sans enfant certes (c’est le cas de la grande majorité), gagnent désormais plus que les hommes. L’Amérique est le laboratoire du monde, et ce qui se passe là-bas est en train d’arriver chez nous. C’est bien compréhensible, peut-être même naturel, si l’on se souvient que les femelles (dixit Simone) sont depuis déjà longtemps majoritaires dans les meilleures universités. La méritocratie célébrée par le sociologue britannique Michael Young en 1958 se féminise à vive allure. Le plafond de verre se fissure de toutes parts. Les laissés-pour-compte de l’expansion, pour reprendre une formule giscardienne, ce sont aujourd’hui les hommes. C’est si gros qu’on ne le voit pas. Un rapport 2012 de notre excellent ministère de l’Éducation nationale s’intitule Filles et garçons : sur le chemin de l’égalité. La pensée technocratique a trente ans de retard sur les faits. Reste que la suite des événements est difficile à anticiper. La femelle reste tributaire de son privilège : faire des enfants. Gagnera-t-elle sur tous les tableaux ? Et le mâle, alors ? Qu’en restera-t-il ? Rendez-vous dans trente ans.    

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