Publié dans le magazine Books n° 76, mai 2016. Par Delphine Veaudor.
C’est en se bornant à décrire les détails dans toute leur complexité que l’écrivain peut échapper au kitsch qui guette la représentation artistique des crimes contre l’humanité. L’Australien Richard Flanagan a mis douze ans à trouver le ton juste pour raconter l’horreur des camps de travail japonais de la Seconde Guerre mondiale. Confidences sur un effort littéraire hors du commun.
L’écrivain et scénariste Richard Flanagan est né sur l’île australienne de Tasmanie, où il vit. Il est l’auteur de six romans, tous traduits en français. La Route étroite vers le nord lointain a été récompensé en 2014 par le Man Booker Prize, le prix le plus prestigieux de la littérature anglophone.
À propos des prisonniers de retour des camps de travail japonais sur le chemin de fer Rangoun-Bangkok, vous écrivez : « Il n’y a plus pour eux que deux sortes d’hommes : ceux qui étaient sur la Ligne et le reste de l’humanité, qui n’y était pas. » N’êtes-vous pas aussi hanté par cette « Ligne » ?
Mon roman est dédié au prisonnier 335 (en japonais
san byaku san jū go), qui était le matricule de mon père sur le chantier du chemin de fer que voulaient construire les Japonais à travers la forêt tropicale. Bien malgré lui, cette expérience a été le fait marquant de sa vie. Elle a façonné l’homme qu’il est devenu aprè...