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Roms

Depuis juin 2015, 400 Roms habitaient des logements de fortune dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Le campement a été évacué ce mercredi matin. Mais de quoi parle-t-on vraiment quand on parle de « Roms » ? La question mérite d’autant plus d’être posée que cette appellation est utilisée depuis une vingtaine d’années seulement, rappellent Catherine Coquio et Jean-Luc Poueyto dans Roms, tsiganes, nomades : un malentendu européen. « Sous l’effet paradoxal des luttes pour la reconnaissance du génocide [des Tsiganes par les nazis] menées en Allemagne » et « de la montée d’un discours nationaliste “rom” paneuropéen cautionné par l’UE, le terme “Tsiganes” a fait place à celui de “Roms” ou “Rroms” » , écrivent-ils. Un mot qui, pour être d’origine romani, ne saurait faire passer pour homogène cette population composée d’innombrables petits groupes familiaux au passé et à l’ancrage local très divers. Tout au long de l’histoire, argumentent les auteurs, on ne les a réunis sous un même vocable qu’afin de mieux pouvoir les stigmatiser.

C’est notamment le cas, en France, quand les « Bohémiens » et les « Egyptiens » (ainsi nommés en raison de leurs origines géographiques supposées) sont qualifiés de « nomades », terme né au XVIe siècle. Cette définition, qui l’oppose au « sédentaire » modèle de civilisation, condamne le « nomade » au rôle d’éternel étranger de passage, incapable de s’élever au-dessus de sa barbarie. Ce mode de vie devient particulièrement suspect avec le développement de l’Etat-nation : les « saltimbanques » et « chanteurs ambulants » d’abord (en 1863), les « nomades » et « forains » ensuite (en 1912), les « gens du voyage » enfin (en 1972) sont obligés de présenter régulièrement leur titre de circulation. Mais il n’y a pas loin du rejet d’un mode de vie à la racialisation d’un groupe. Au gré des besoins politiques, le nomade est devenu un Tsigane, et les gens du voyage des Roms, et vice versa. Dans ce contexte, l’invention d’une nation « rom » permet d’aller plus loin dans la ségrégation. S’il existe une nation « rom », l’intégration au sein d’une autre, française par exemple, est de fait impossible, expliquent Catherine Coquio et Jean-Luc Poueyto.

 

 

 

LE LIVRE
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Roms, tsiganes, nomades : un malentendu européen de Catherine Coquio et Jean-Luc Poueyto, Karthala, 2014

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