Royaume-Uni : le contre-feu de la lutte contre la radicalisation
Publié le 6 juin 2017. Par La rédaction de Books.
Au lendemain d’une nouvelle attaque terroriste au cœur de Londres, le Premier ministre Theresa May a affirmé vouloir lutter contre « l’idéologie du mal », en se donnant les moyens d’éradiquer l’extrémisme de la société britannique. Or, depuis 2003, un programme gouvernemental intitulé « Prevent » a été mis en place afin justement de prévenir la radicalisation des jeunes. Mais, selon plusieurs observateurs, ce dernier est loin d’avoir été efficace. Dans son livre sorti en mars dernier, The Enemy Within, Sayeeda Warsi, l’ex vice-présidente du Parti conservateur et première musulmane à avoir été ministre (dans le gouvernement de David Cameron), souligne à quel point ce programme est contreproductif. Il conduit les Britanniques à se méprendre sur l’origine du terrorisme dit islamiste. Les derniers gouvernements ont insisté sur « l’idéologie » censée animer les assaillants et les candidats à la radicalisation, et se sont détournés des recherches qui montrent à quel point les enjeux sont plus complexes mêlant sentiment d’injustice, vengeance, pauvreté, culture des gangs, estime-t-elle. Mettre « l’idéologie islamiste » au centre du combat contre le terrorisme est non seulement faux mais dangereux. Par cette manœuvre, insiste Warsi, les responsables politiques opposent des valeurs censément britanniques et bonnes à d’autres qui ne seraient ni l’une ni l’autre.
Dans le cadre de Prevent, chaque fonctionnaire (de l’enseignant à l’assistante sociale en passant par le médecin ou la bibliothécaire) se doit de repérer dans son public les signes d’un assentiment aux actes et aux idées des terroristes. Le ciblage doit être réalisé le plus tôt possible afin d’éviter que l’individu ne monte sur le « tapis roulant » qui le mènera de ses mauvaises pensées à de mauvaises actions. Les chiffres des dénonciations explosent. Soixante enfants sont signalés chaque semaine. Et ce parfois dès l’âge de l’école maternelle. Ainsi une famille de réfugiés syriens a été signalée parce que leur jeune fils dessinait des avions bombardant des maisons. Des étudiants ont vu leur chambre fouillée parce qu’on les entendait prier…. Toute référence à l’islam ou à une culture non-britannique devient potentiellement suspecte. La structure même de la société multiculturelle est mise en danger par ces méthodes paranoïaques, conclut Warsi.