Publié dans le magazine Books n° 80, novembre - décembre 2016.
De quoi le « populisme » est-il le nom ? De l’antiélitisme ? Du racisme ? En partie, mais cela ne suffit pas à saisir la nature profonde du phénomène. Sa véritable essence réside dans un antipluralisme viscéral. Les populistes conçoivent le peuple comme une entité homogène, dont la volonté – forcément pure – ne saurait être exprimée que par une formation, la leur.
Maintenant, qu’est-ce exactement que le populisme ? Et où se situe la ligne de démarcation séparant le populisme d’autres phénomènes politiques ? Le populisme n’est en rien affaire de couches (ou classes) sociales clairement identifiables ; il n’est en rien affaire de « feeling » (1) ; et la question de savoir si une personnalité politique ou une formation politique est populiste ne peut se voir apporter une réponse à travers une estimation de la qualité de l’offre proposée par cette personnalité ou par cette formation en termes de politique publique. Le populisme, telle est bien ma thèse, est une conception de la politique tout à fait précise : les populistes considèrent que des élites immorales, corrompues et parasitaires viennent constamment s’opposer à un peuple envisagé comme homogène et moralement pur – ces élites n’ayant rien en commun, dans cette vision, avec ce peuple. Parfois, les noms mêmes des formations partisanes témoignent déjà de cette mise en équivalence du « peuple ordinaire » et du « seul véritable peuple » : les dirigeants du parti finlandais Perussuomalaiset (littéralement « Les Finlandais ordinaires ») attachaient une extrême importance à ce que le nom de leur formation soit traduit à ...