Bientôt tous yogis

« Je m’étais enveloppée de serviettes de bain pour avoir l’air plus hindou, j’avais posé mon pied droit sur ma cuisse gauche et je me regardais fixement dans la glace, non avec complaisance mais dans l’espoir d’atteindre l’état supérieur du yogi », écrit Françoise Sagan dans Bonjour tristesse (1954). Comme en témoigne à la même époque l’initiation à cet art de Marilyn Monroe et de Greta Garbo, la mode du yoga à la sauce occidentale est loin d’être récente. Mais elle concerne maintenant des dizaines de millions d’adeptes des deux côtés de l’Atlantique. Si l’on ajoute les pratiquants de diverses formes de méditation non liées au yoga, elles aussi plus anciennes qu’on ne croit, cela fait beaucoup de monde. Il faut se représenter, à chaque instant, des centaines de milliers de cadres stressés, de chômeurs anxieux, de malades douloureux, mais aussi de jeunes (surtout des femmes) heureux de vivre, se mettre dans la position du lotus, contrôler leur respiration, fermer les yeux, puis, pour certains, se livrer à des exercices exigeants pour l’esprit ou le corps. Il est facile de se moquer. « Savez-vous qu’en observant votre respiration pendant quarante-huit minutes, vous pourriez être illuminé ! » lit-on sur le site meditationfrance. « La voie de Bouddha était vipassana, vipassana signifie être le témoin. Rappelez-vous, ce n’est pas le même processus que celui qui est pratiqué dans le yoga. Dans le yoga, le processus s’appelle pranayam, c’est tout à fait autre chose. » Ne confondons donc pas yoga et méditation. Mais ne confondons pas non plus la « méditation pleine conscience » (mindfulness meditation) de la « simple pleine conscience » (mindfulness), explique l’Américain Tony Schwartz, « coach » de cadres dirigeants, qui a pratiqué la méditation pendant vingt-cinq ans. La première, le fameux vipassana, est une pratique avancée qui passe par l’apprentissage long de la concentration (sur un objet, comme un grain de raisin, ou sur sa respiration) et débouche plusieurs années plus tard sur la capacité de devenir un témoin extérieur de sa propre expérience. La seconde (mindfulness) est « simplement une façon de devenir plus conscient de ses propres sentiments […] donc plus attentif à votre impact sur autrui ». Tony Schwartz professe aujourd’hui un scepticisme modéré. Certes, pratiquer la méditation au quotidien est sans doute bon pour la santé, comme le yoga. « Mais je n’ai pas trouvé d’indice probant que cela conduise les gens à mieux se comporter, améliorer leurs relations avec les autres ou être plus heureux. » Son conseil ? Se concentrer et se détendre une minute ou deux plusieurs fois par jour en contrôlant son souffle : aspirer en comptant jusqu’à trois, expirer en comptant jusqu’à six. « Plus pratique que la méditation longue. » Et cela n’exclut pas un peu de yoga.    

SUR LE MÊME THÈME

Edito Une idée iconoclaste
Edito No kids !
Edito Soigner mes traumas

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Bestsellers

L’homme qui faisait chanter les cellules

par Ekaterina Dvinina

Voir le sommaire