Quand l’Afrique s’éveille – Un milliard d’Africains

Une vague d’optimisme touche depuis plusieurs années maintenant les économistes et les nombreux investisseurs tournés vers le continent africain. On y recense désormais plus d’un milliard d’habitants et l’on ne compte plus les titres de la presse anglo-saxonne du type « L’Afrique se lève ». Plusieurs livres brodent sur ce thème, y compris en France. Sont mis en avant les chiffres de croissance des années 2000, l’avancée lente mais bien réelle de la démocratie depuis les années 1980, la fin de plusieurs guerres, la généralisation de l’instruction, la révolution du téléphone portable ou encore le retour au pays de cadres formés dans les meilleures universités du monde. Les investissements massifs réalisés par les groupes chinois sont un autre signe et représentent un défi pour des Occidentaux qui longtemps se sont cru en terrain conquis, seuls dispensateurs d’une « aide » controversée. Plus récemment les « printemps arabes », le renversement par la force d’un régime autocratique en Côte d’Ivoire, le succès de l’alternance démocratique au Sénégal, ainsi que d’importantes découvertes pétrolières et gazières en Afrique de l’Est ont renforcé les raisons d’espérer. On lira ici un article caractéristique de cet optimisme : l’économiste américain Edward Miguel encense le livre d’un de ses collègues, proche du département d’État, consacré à « l’Afrique qui émerge », plus spécialement à dix-sept des cinquante-trois pays du continent. Dix-sept États dont l’auteur, Steven Radelet, estime qu’ils mènent le bal du progrès. Mais qu’en est-il réellement ? Les statistiques véhiculées par les organisations internationales et reprises par la presse économique sont de source douteuse, pour ne pas dire plus. Si croissance il y a, elle est surtout le fait de la hausse du prix des matières premières, due à la demande asiatique. De l’avis même de certains spécialistes occidentaux, il existe une grande différence entre l’Afrique des économistes et l’Afrique de chair et de sang. La plupart des États du continent restent dirigés par une kleptocratie dont les ONG et les organismes d’aide sont souvent complices. Lointaine héritière de la décolonisation, cette culture du pouvoir, fondée sur la légitimation de l’enrichissement personnel et des biens mal acquis, est-elle appelée à durer ou à s’effacer peu à peu, au profit d’une forme de gouvernance plus soucieuse des intérêts de la population ? C’est sans doute la question principale, celle que se posent certains observateurs européens ou asiatiques, mais surtout la plupart des analystes africains, désormais convaincus de la nécessité pour le continent de prendre son destin en mains, sans plus compter sur la manne ambiguë de l’aide extérieure. Personne n’incarne mieux aujour­d’hui cette obsession que le milliardaire soudanais Mo Ibrahim, dont nous faisons le héros du présent dossier. Ingénieur télécom de haut niveau formé en Angleterre, Mo Ibrahim, après avoir beaucoup contribué à implanter la téléphonie mobile en Afrique, consacre à présent l’essentiel de son temps et de sa fortune à inciter les dirigeants africains à mieux gouverner. Publié chaque année par sa fondation, le palmarès de la bonne (et mauvaise) gouvernance est le baromètre le plus influent sur les élites du continent. À peu près inconnu en France, où il vit pourtant une partie de l’année, cet homme mérite le détour : il incarne l’Afrique du progrès.   Dans ce dossier :

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